Iktos, la pépite qui pourrait disrupter les labos mondiaux

Créer des médicaments plus vite, moins cher et sans erreur : c’est la promesse d’Iktos, la biotech qui veut bousculer l’industrie pharmaceutique.

Accélérer le développement de nouveaux médicaments grâce à l’intelligence artificielle : la promesse semble presque trop belle. Mais c’est bien le pari de la start-up française Iktos, qui veut bousculer les pratiques d’un secteur où l’innovation se compte en décennies, pas en trimestres. Dans un contexte de coûts croissants et de résultats incertains, la pharmacie n’a plus le luxe d’ignorer les outils numériques.

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Le temps long de la pharmacie sous tension

Dans la pharma, le temps est un paramètre aussi critique que le principe actif. Il faut en moyenne plus de dix ans pour mettre un médicament sur le marché, avec des investissements qui dépassent souvent le demi-milliard d’euros. Et ce, pour un taux d’échec qui reste élevé, notamment lors des essais cliniques. Les laboratoires doivent composer avec cette lenteur structurelle, une pression économique croissante et une exigence réglementaire qui ne faiblit pas. Dans ce paysage, l’intelligence artificielle n’est plus une simple innovation périphérique : elle devient un levier stratégique.

Automatiser l’intuition du chimiste

Iktos s’est créée en 2016 autour d’une idée simple, mais ambitieuse : utiliser l’IA pour concevoir plus vite, mieux et à moindre coût des molécules candidates. Sa plateforme Makya™ repose sur des algorithmes capables de générer des milliers de structures moléculaires à partir de bases de données chimiques et biologiques. L’objectif n’est pas seulement de gagner du temps, mais de simuler, évaluer et hiérarchiser les options bien avant de passer au laboratoire.
En parallèle, l’outil Spaya™ vient optimiser la planification des étapes de synthèse. Une manière de rationaliser un processus qui repose encore souvent sur l’expérience et l’intuition, deux qualités difficiles à industrialiser.

La robotique entre en scène

Mais Iktos ne veut pas se contenter de jouer les assistants numériques des chimistes. En 2024, elle a franchi une nouvelle étape avec le lancement d’Iktos Robotics. L’idée est d’automatiser les différentes phases du cycle de développement connu sous le nom de DMTA (Design-Make-Test-Analyse).
En intégrant la robotique, la start-up affirme pouvoir réaliser jusqu’à cent réactions chimiques par jour, une cadence inédite à ce niveau d’avancement. Là où elle sous-traitait encore certaines étapes critiques, elle veut désormais maîtriser l’ensemble de la chaîne, de la conception à la validation expérimentale. Cette montée en puissance s’appuie sur une combinaison de financements publics — notamment une subvention européenne de 2,5 millions d’euros — et une levée de fonds privée toujours en cours.

Changer de modèle économique

Ce virage industriel s’accompagne d’une inflexion stratégique. Pendant plusieurs années, Iktos a opéré comme prestataire technologique pour des géants de la pharmacie — Pfizer, Janssen, Servier. Elle propose aujourd’hui un modèle plus risqué, mais aussi potentiellement plus lucratif : développer ses propres molécules et en détenir la propriété intellectuelle. Le premier candidat, IKT525, vise le traitement de maladies auto-immunes et cible une enzyme clé, MTHFD2. Il pourrait, selon l’entreprise, offrir un profil de sécurité supérieur aux traitements existants à base d’inhibiteurs JAK1. Une première preuve de concept est attendue d’ici fin 2025.

Pour crédibiliser cette ambition, Iktos accélère aussi à l’international. Elle a ouvert des filiales aux États-Unis et au Japon, deux marchés majeurs à la fois pour la recherche pharmaceutique et pour l’accès à des capitaux. Aux États-Unis, un partenariat a été noué avec le MIT autour de nouveaux modèles d’IA. Au Japon, Takeda, poids lourd de l’industrie pharmaceutique locale, collabore avec la start-up sur les maladies neurodégénératives. Des alliances qui permettent à Iktos d’intégrer des écosystèmes scientifiques de premier plan et de gagner en visibilité.

Bouleversements dans la recherche pharmaceutique

Le cas Iktos s’inscrit dans une dynamique plus large. L’intelligence artificielle s’installe progressivement dans la chaîne de valeur du médicament. Elle permet non seulement d’accélérer l’identification des molécules prometteuses — parfois en moins de deux ans —, mais aussi d’améliorer les taux de succès des essais cliniques précoces. Surtout, elle ouvre la voie à une médecine plus personnalisée, intégrant des données cliniques, génétiques, voire environnementales. À terme, elle pourrait même rendre rentables des niches thérapeutiques jusqu’ici délaissées, comme les maladies rares.

Une ambition à long terme

D’ici 2030, Iktos veut s’attaquer aux thérapies géniques et cellulaires. Des terrains encore plus complexes, tant sur le plan technique que réglementaire, mais qui pourraient profiter à plein des capacités de simulation et d’automatisation que promet l’IA.
Pour l’instant, l’entreprise reste un acteur discret, peu connu du grand public. Mais elle avance ses pions méthodiquement, avec une vision claire : faire de l’IA non plus un gadget pour chercheurs, mais un véritable moteur d’innovation industrielle.


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