L’IFI : une exception française ?
L’Allemagne a renoncé à l’impôt sur la fortune en 1997, l’Espagne l’a fait en 2008. Le Royaume-Uni, l’Italie et la Belgique n’ont jamais eu de tels dispositifs. Seules la Norvège, la Grèce (pour l’immobilier uniquement) et certains cantons suisses conservent une forme d’imposition sur la fortune, mais avec des taux souvent moins élevés que ceux pratiqués en France.
La Suisse n’a pas d’impôt sur la fortune au niveau fédéral. Mais certains cantons le pratiquent. Par exemple, dans le canton de Genève, l’impôt sur la fortune est taxé entre 0,3 et 0,8 % de la fortune nette. Rappelons qu’en France le barème varie de 0,50 % à 1,50 % par tranche avec une franchise de 800.000 €. Le même capital de 2.120.000 €, sera taxé à hauteur de 15.331 € dans le canton de Genève, et de 8.960 € en France. Cependant, le taux moyen d’imposition est de 33 % en Suisse contre 41 % en France (source : impôt sur le revenu en Suisse : comparaison internationale – David Talerman – septembre 2024). Et le patrimoine est exonéré de droits de succession dans le canton de Genève pour les conjoints, ascendants et descendants.
Les droits de succession : la double peine
Quatre pays européens ont supprimé leurs droits de succession depuis 20 ans. Il s’agit de l’Autriche, de la Norvège, de la Suède et de la République Tchèque.
Pour la France, les droits sur les successions et les donations représentent plus de 1% des recettes fiscales. Cela nous place en deuxième position en Europe, derrière la Belgique (source OCDE). Ce chiffre est de 0,71 % au Royaume Uni, 0,52 % en Allemagne, et 0,1 % en Italie.
Le fisc français collecte deux fois plus d’impôt sur les successions que la Finlande et le Royaume-Uni, pourtant classés en troisième et quatrième position européenne, quatre fois plus qu’en Allemagne et dix fois plus qu’en Grèce.
Une double peine pour le contribuable français, à la fois taxé sur son patrimoine immobilier de son vivant et sur la succession à sa mort.
Impôt foncier et taxe d’habitation
Quelques Etats n’appliquent pas d’impôt foncier, c’est le cas en Europe de Monaco, de Malte, et de la Hongrie. En Italie et en Espagne, la taxe foncière représente en moyenne 2 % de la valeur cadastrale du bien en résidence principale.
En France, la taxe foncière moyenne est de 1.019 € pour les maisons et de 811 € pour les appartements. Le taux d’imposition est peu ou prou de 21% de la valeur locative cadastrale, après application d’un abattement forfaitaire de 50 %… Rien n’est vraiment simple dans notre beau pays.
Comme en France désormais, la Belgique n’impose une taxe d’habitation que sur les résidences secondaires. En Italie, le taux de la taxe d’habitation est faible, entre 0,4 et 1,1% de la valeur cadastrale du bien. Ce sera 5 % au Royaume-Uni, mais avec des variables selon les municipalités.
La taxation des plus-values : des règles similaires
En matière de plus-values immobilières, la France applique un régime similaire à celui de nombreux pays européens, exemptant généralement la vente de la résidence principale de toute taxation. En revanche, pour les autres biens immobiliers, la France impose des taux élevés, atteignant 31,3 % (impôts et prélèvements sociaux inclus). À titre de comparaison, le taux au Royaume-Uni est de 28 % et de 21 % en Espagne. De plus, les exonérations liées à la durée de détention des biens immobiliers sont peu généreuses en France : avec la réforme de 2024, il faut détenir un bien pendant 22 ans pour être exonéré de cet impôt, alors qu’en Italie, cette période est de seulement cinq ans.
Les revenus fonciers : le match France-Belgique
Les revenus issus de l’immobilier, principalement les loyers, sont intégrés au barème de l’impôt sur le revenu dans la plupart des pays européens. En France, ces revenus sont également soumis à des prélèvements sociaux, ce qui contribue à un taux d’imposition global parmi les plus élevés d’Europe. La Belgique, avec un taux d’imposition sur les revenus pouvant atteindre 57 % gagne le match., En France, il s’établit à 53,3 %, contre 48,5 % en Allemagne.
Les droits de mutation : une taxe sur la mobilité
Les droits de mutation sont les plus élevés au Portugal, entre 6 et 8 % du prix d’acquisition d’un bien immobilier. La France n’est pas en reste, avec un taux d’imposition de 5,8 %. Les droits de mutation ne sont que de 2 % en Autriche et aux Pays-Bas, 3,5 % à Hambourg, mais 6 % à Berlin.
Les taxes élevées sur les plus-values immobilières et les droits de mutation créent une barrière à la mobilité en dissuadant les propriétaires de vendre, ce qui entraîne une stagnation du marché et des choix de logement peu optimaux.
Les niches fiscales en faveur de l’immobilier
Malgré ces taux d’imposition élevés, quelques dispositifs constituent des niches fiscales : le dispositif Pinel, le statut de Loueur en Meublé Non professionnel (LMNP), la loi Malraux ou le dispositif Denormandie. Ces incitations fiscales visent à encourager l’investissement dans le neuf ou l’ancien. Elles ne compensent pas – et de loin – le poids de l’impôt sur les revenus fonciers. D’autant qu’ils sont appelés à disparaître, le Pinel notamment en 2025.
La France est un exemple de créativité en matière fiscale, récemment encore l’audacieuse taxe sur les cabanes de jardin. Alors que le cumul ISF-droits de succession reste une particularité française, les autres règles concernant la taxation des plus-values et des revenus fonciers témoignent d’une volonté de maintenir une pression fiscale importante sur le capital immobilier des Français.
Dans ce secteur, nous sommes à un moment d’inversion de la courbe de Laffer. C’est le point au-delà duquel augmenter les prélèvements provoque une diminution des recettes fiscales en décourageant le travail et l’épargne. C’est exactement ce qu’il se passe actuellement : chute de la demande et de la rentabilité, baisse du pouvoir d’achat immobilier, alourdissement des charges, réduction de l’offre de biens à la vente ou à la location, augmentation du parc de logements inoccupés.
André Perrissel
Institut Janus