Ce déclin s’explique par plusieurs facteurs :
- Un militarisme pathologique perçu comme une nouvelle forme d’ingérence néocoloniale
- Une diplomatie incohérente et un double discours
- Une condescendance persistante envers les partenaires africains
- Des positions économiques en net repli
- La contestation croissante des nouvelles générations d’Africains
Le déclin de l’influence française en Afrique
Un recul économique marqué
Économiquement, la position de la France s’érode rapidement. De 30% au sortir des indépendances, ses parts de marché en Afrique ne représentaient plus que 5,5% en 2017, selon les chiffres du ministère français de l’Économie. Cette perte d’influence économique s’accompagne d’un désintérêt croissant des jeunes Français pour le continent africain.
Une présence militaire contestée
Le militarisme de la France en Afrique est devenu un facteur majeur de rejet. L’opération Barkhane au Sahel, malgré ses objectifs antiterroristes affichés, est perçue par de nombreux Africains comme une nouvelle forme d’ingérence néocoloniale. Selon un rapport du Sénat français, cette opération coûte plus d’un milliard d’euros par an, pour des résultats mitigés.Les bavures et les accusations de violences contre des civils n’ont fait qu’exacerber ce sentiment. En 2021, une enquête de l’ONU a conclu qu’une frappe aérienne française au Mali avait tué 19 civils lors d’un mariage.
Les erreurs de la politique militaire
Un interventionnisme mal perçu
La multiplication des opérations extérieures françaises en Afrique (Serval, Barkhane, Sangaris) a renforcé l’image d’une France incapable de se départir de ses réflexes néocoloniaux. Malgré les discours officiels sur la nécessité d’une « Afrique qui prend en charge sa propre sécurité », Paris peine à réduire significativement sa présence militaire sur le continent.
Des accords de défense controversés
Bien que révisés sous la présidence Sarkozy, les accords de défense entre la France et plusieurs pays africains restent perçus comme des instruments de domination. La persistance de clauses secrètes et le maintien de bases militaires françaises alimentent les suspicions sur les véritables intentions de Paris.
L’échec de la promotion de la démocratie
Un soutien ambigu aux régimes autoritaires
La France continue de soutenir, directement ou indirectement, des régimes autoritaires en Afrique francophone, au nom de la stabilité et de ses intérêts stratégiques. Cette politique entre en contradiction flagrante avec les discours sur la promotion de la démocratie et des droits de l’homme.
Une coopération militaire inefficace
La coopération militaire française n’a pas réussi à professionnaliser durablement les armées africaines. Au contraire, elle a parfois contribué à renforcer des forces armées répressives et peu respectueuses des droits humains, comme l’a souligné le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos.
Une vision dépassée du continent africain
Un manque de compréhension des nouvelles réalités
La France peine à saisir les profondes mutations sociales, économiques et culturelles qui traversent l’Afrique contemporaine. Sa grille de lecture, souvent héritée de l’époque coloniale, ne lui permet pas d’appréhender correctement les aspirations des nouvelles générations africaines.
Une concurrence internationale accrue
L’émergence de nouveaux acteurs (Chine, Russie, Turquie, pays du Golfe) sur la scène africaine a considérablement réduit la marge de manœuvre de la France. Ces puissances, moins marquées par un passé colonial, proposent des partenariats perçus comme plus équilibrés par les dirigeants et les populations africaines.
Vers une refonte nécessaire des relations franco-africaines
Pour inverser cette tendance au déclin, une refonte complète de la politique africaine de la France serait nécessaire, basée sur :
- Un respect authentique des souverainetés africaines
- Une rupture définitive avec les pratiques néocoloniales du passé
- Une redéfinition des accords de défense et une réduction de la présence militaire française
- Un soutien accru au développement économique et à la société civile africaine, plutôt qu’aux seuls dirigeants en place
- Une approche plus équilibrée et moins paternaliste dans les relations diplomatiques et économiques
Comme le souligne l’historien français Jean-Pierre Bat : « La France doit repenser entièrement sa relation avec l’Afrique, en abandonnant toute posture paternaliste et en établissant un véritable partenariat d’égal à égal ».
Sans une telle évolution profonde, le divorce entre la France et l’Afrique semble inévitable, marquant la fin d’une époque où Paris pouvait encore prétendre modeler l’avenir d’un continent qui lui échappe désormais.
Etienne Delattes