La chute de Marine Le Pen, condamnée pour détournement de fonds publics et déclarée inéligible, n’ouvre pas un vide : elle dévoile une coulisse. Le rideau se lève sur Jordan Bardella, héritier par défaut, président du Rassemblement national et, désormais, prétendant présomptif à la magistrature suprême. Une ascension fulgurante — médiatiquement télégénique, stratégiquement huilée — mais intellectuellement creuse, culturellement pauvre et, in fine, politiquement inquiétante.
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Une façade bien peignée
Oui, Bardella sait parler. Il articule, récite, esquive. Sa victoire aux européennes de 2024, où il a fait mordre la poussière au parti présidentiel, témoigne d’un savoir-faire électoral. Le jeune chef du RN a su canaliser les colères populaires, surfer sur les anxiétés économiques, distiller les rengaines sécuritaires et migratoires qui excitent l’électorat. Mais derrière le lexique contrôlé, que reste-t-il ? Une pensée réduite à des slogans. Une absence d’épaisseur, une sécheresse programmatique.
Car si Bardella séduit, il ne pense pas. Il communique — il n’élabore pas. À la différence d’un chef d’État en puissance, il n’a jamais eu à décider, encore moins à gouverner. Ni mairie, ni ministère, ni même expérience concrète de gestion publique. Son seul titre ? Celui d’apparatchik d’un appareil lepéniste qu’il n’a jamais réformé, seulement repeint.
L’emballage sans le contenu
On célèbre son « sérieux » parce qu’il évite les débordements verbaux de ses prédécesseurs. Mais être lisse n’est pas être profond. Sa discipline est une posture, pas une vision. Quand on gratte le discours, on découvre l’indigence : des propositions économiques vagues, souvent incompatibles avec les engagements européens de la France ; une rhétorique identitaire qui ressasse les peurs, mais ne construit rien ; et surtout, un vide culturel, une inculture politique qui affleure dès qu’il s’agit de penser le long terme, la complexité, le monde.
Bardella parle de sécurité comme on brandit un gourdin. Il parle d’identité comme on érige un mur. Mais jamais il ne parle de société. Son regard ne se pose pas sur la France plurielle, fracturée, traversée de défis environnementaux, sociaux, géopolitiques. Il réduit la nation à une citadelle, sans se demander ce qui la lie encore, ce qui l’élève, ce qui la fait tenir.
Une marionnette plus qu’un stratège
Faut-il rappeler que Bardella reste l’instrument docile d’un projet politique piloté depuis l’ombre par la dynastie Le Pen ? Que son style policé ne fait pas oublier l’idéologie radicale qui fonde le RN, toujours aussi xénophobe dans ses soubassements ? Qu’il n’a jamais pris de distance réelle avec les dérives passées de son parti, seulement ajusté le décor ?
Bardella n’est pas l’homme d’un renouveau : il est l’alibi d’un maintien. Une façade jeune pour un projet vieux. Une incarnation marketing de la même vieille intolérance, recyclée en stratégie électorale.