Arthus Bertrand, dernier indépendant du luxe français ?

Éthique et luxe : Arthus Bertrand ne travaille avec 60 % d’or recyclé, provenant d’anciens bijoux.

Rares sont les entreprises capables de traverser les siècles sans perdre leur identité. Arthus Bertrand fait partie de ces exceptions. Fondée sous Napoléon, spécialisée dans les décorations honorifiques, elle a su évoluer sans renier son ADN. Aujourd’hui, la maison conjugue tradition et modernité, joaillerie et savoir-faire d’exception, tout en restant indépendante. Avec une croissance annuelle de 25 % depuis 2018, l’équation semble bien résolue.

Grand Collier de la Légion d’honneur

Tout commence en 1803. Arthus Claude Bertrand se lance dans l’édition scientifique et devient le fournisseur officiel de la Société de Géographie de la Marine. Mais en 1862, un mariage scelle une nouvelle orientation : le petit-fils du fondateur unit son destin à la fille de Michel-Ange Marion, spécialiste des insignes et drapeaux. La maison bascule alors dans l’univers des décorations officielles.

Un tournant décisif survient en 1889 : Arthus Bertrand abandonne l’édition pour se consacrer à l’orfèvrerie et aux médailles. Un pari gagnant. En 1953, la maison est choisie pour réaliser le Grand Collier de la Légion d’honneur, porté depuis par tous les présidents français. Elle façonne aussi les épées d’académiciens de figures comme Jean d’Ormesson ou Yehudi Menuhin.

En 1937, Arthus Bertrand franchit une nouvelle étape : la maison lance sa première collection de bijoux, dominée par les médailles religieuses. Le succès est au rendez-vous. Même pendant la Seconde Guerre mondiale, la créativité ne faiblit pas : faute de métaux précieux, elle reproduit des bijoux historiques en argent et bronze doré, inspirés des collections du Louvre.

Aujourd’hui, les médailles restent au cœur du style Arthus Bertrand, mais dans une version revisitée. L’étoile, le laurier et d’autres motifs classiques se déclinent en designs contemporains. La maison cultive aussi l’audace, comme en témoigne sa récente collaboration avec Rabanne lors de la Fashion Week Printemps-Été 2025. Deux pièces exclusives voient le jour : un sac en or composé de 157 médailles « Pluie d’Étoiles » et une médaille en vermeil inspirée du célèbre disque Rabanne.

100 % made in France

Si l’histoire est riche, l’ancrage local l’est tout autant. La fabrication est entièrement française, répartie entre les ateliers de Saumur et Palaiseau, où des artisans perpétuent des techniques séculaires : gravure, émaillage, estampage. L’éthique est aussi au rendez-vous. Membre du Responsible Jewellery Council (RJC), Arthus Bertrand veille à la traçabilité et à l’impact environnemental de ses productions.

Depuis 2020, la maison a franchi un cap supplémentaire : elle n’utilise plus que de l’or recyclé. Près de 60 % proviennent d’anciens bijoux remis en circulation, le reste étant issu d’un fournisseur certifié RJC. Une manière de conjuguer luxe et responsabilité.


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