Rachat de TikTok : les coulisses d’une vente sous haute tension

ByteDance est contraint de vendre TikTok aux États-Unis sous peine d’interdiction. Microsoft, Oracle, Perplexity AI et d’autres investisseurs sont en lice pour son rachat. Décryptage des enjeux.

Les grandes manœuvres s’accélèrent autour de TikTok, l’application phare du groupe chinois ByteDance. Avec près de 150 millions d’utilisateurs américains, TikTok se retrouve au cœur d’une bataille technologique et géopolitique majeure entre Washington et Pékin. En jeu : la souveraineté numérique et la sécurité nationale des États-Unis.

Depuis le 19 janvier, une loi américaine impose à ByteDance de vendre l’application, sous prétexte de menaces pour la sécurité nationale. Faute de cession, la plateforme sera bannie. À peine revenu à la Maison-Blanche, Donald Trump a suspendu l’échéance. Par décret, il accorde 75 jours de sursis. Un répit temporaire, qui ne règle rien sur le fond dans une affaire où enjeux stratégiques et intérêts financiers colossaux se mêlent.

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TikTok : une application sous surveillance

Les inquiétudes américaines ne sont pas récentes. Washington craint depuis longtemps que les données collectées par TikTok soient accessibles au gouvernement chinois, exacerbant les tensions déjà vives entre les deux superpuissances. Après les sanctions contre Huawei en 2019, c’est désormais au tour de TikTok d’être dans le viseur des autorités américaines. Le Congrès a ainsi adopté une loi obligeant ByteDance à céder ses activités américaines pour des raisons de sécurité nationale, plaçant la firme chinoise dans une situation très délicate.

Les prétendants en embuscade

L’enjeu est immense. TikTok constitue à la fois une manne financière et une influence exceptionnelle sur les jeunes générations. Plusieurs candidats sérieux sont en lice :

  • Microsoft : avec son expérience réussie dans l’acquisition d’entreprises telles que LinkedIn et GitHub, ainsi que sa solidité financière, Microsoft pourrait rassurer les régulateurs et intégrer TikTok à son écosystème existant, notamment Xbox et Azure.

  • Frank McCourt et Alexis Ohanian : le propriétaire de l’Olympique de Marseille et le cofondateur de Reddit proposent une approche décentralisée offrant aux utilisateurs un meilleur contrôle de leurs données. Un modèle ambitieux, mais dont la viabilité reste incertaine sans l’algorithme actuel de recommandation.

  • MrBeast et Jesse Tinsley : la célèbre star de YouTube, épaulée par l’entrepreneur technologique Jesse Tinsley, propose une offre en numéraire soutenue par un consortium composé d’investisseurs institutionnels et privés. Leur défi majeur est de convaincre les régulateurs de leur capacité à gérer une plateforme aussi influente.

  • Perplexity AI : cette entreprise basée à San Francisco envisage une fusion assortie d’une forte participation étatique américaine via une introduction en bourse, offrant à Washington un droit de regard significatif.

  • Larry Ellison : le fondateur d’Oracle, déjà partenaire de TikTok pour l’hébergement sécurisé des données américaines, a également été cité par Donald Trump comme candidat potentiel.

Elon Musk, quant à lui entretient le plus grand flou sur son intérêt pour le réseau social.

Le rôle déterminant de Pékin

Le président Donald Trump, qui suit personnellement le dossier, affirme qu’une solution était proche tout en précisant explicitement que « la Chine va jouer un rôle », soulignant ainsi que Pékin détient un pouvoir décisif d’approbation sur toute opération potentielle. Pour l’instant, la Chine n’a manifesté aucune intention claire de valider une vente, ajoutant une incertitude majeure à la transaction.

Quel que soit le repreneur final, la transition sera complexe et brutale. ByteDance devra renoncer à l’un de ses joyaux, et le nouveau propriétaire devra profondément repenser le modèle économique de TikTok : maintenir l’engagement utilisateur, intensifier la publicité ciblée, monétiser davantage les créateurs ou intégrer des services commerciaux sont autant de questions délicates à résoudre.

L’écho géopolitique d’un rachat

Cette vente dépasse largement les enjeux économiques immédiats. Elle s’inscrit dans un bras de fer technologique global où chaque mouvement entraîne des conséquences potentielles majeures. Pékin pourrait en effet riposter en compliquant les opérations des entreprises américaines implantées en Chine, comme Apple ou Tesla, amplifiant encore les tensions internationales.

Dans cette bataille géopolitique et économique, les utilisateurs et créateurs de contenu pourraient être les premières victimes. Une vente dépourvue de l’algorithme actuel pourrait bouleverser leur expérience, tandis qu’une reprise par un acteur solide tel que Microsoft garantirait une certaine stabilité. L’incertitude demeure cependant totale.

Le scénario d’une interdiction pure et simple reste envisageable. Une telle décision constituerait un précédent majeur, susceptible d’impacter d’autres géants chinois tels que Shein ou Temu et d’approfondir la fracture numérique mondiale.


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