L’intelligence artificielle, bras armé discret de l’administration fiscale

Depuis son entrée dans les rouages de Bercy en 2013, l’intelligence artificielle (IA) ne cesse de gravir les échelons du contrôle fiscal.

Derrière l’austérité des termes techniques se cache une petite révolution : l’État traque désormais les fraudeurs avec des algorithmes affûtés, transformant des montagnes de données en armes redoutables. Le projet « Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR) incarne cette mutation. En d’autres termes : il met à nu des anomalies invisibles à l’œil humain.

Une montée en puissance, chiffres à l’appui

Quelques étapes suffisent à prendre la mesure de cette révolution silencieuse :

  • 2019 : L’IA prend les commandes dans 22 % des contrôles fiscaux, tâtonnant encore.
  • 2021 : Elle pilote 44 % des opérations, avec une cible claire : la moitié d’ici un an.
  • 2023 : Plus de la moitié des contrôles fiscaux sont désormais orchestrés par des algorithmes, en hausse constante. L’administration vise une extension de ces techniques à 50 % des dossiers de particuliers d’ici 2027.

Des chiffres impressionnants, mais derrière ces pourcentages se cache une réalité bien tangible. Prenez le projet « Foncier innovant », qui repère les piscines oubliées sur les déclarations fiscales à l’aide de l’IA et d’images aériennes. Résultat ? 125 000 piscines régularisées, et un jackpot annuel de 30 millions d’euros pour les caisses publiques.

Les promesses, mais aussi les pièges

Toute avancée technologique a ses ombres. Ici, ce sont des algorithmes qui, bien que performants, restent des boîtes noires. Qui contrôle ces outils ? Quels biais s’y glissent ? Les associations de défense des libertés et la Défenseure des droits sonnent l’alarme : automatiser, c’est bien, mais pas au prix d’erreurs injustes ou de discriminations insidieuses.

Malgré ces mises en garde, Bercy avance à grand pas. Pour 2025, 18 millions d’euros viendront muscler ces dispositifs. Le plan est clair : intégrer les données de Tracfin et des douanes dans un écosystème où l’IA aura une vue panoramique sur les flux financiers. Avec la généralisation de la facturation électronique et du e-reporting, un torrent de données s’apprête à alimenter ces algorithmes, leur offrant un terrain de chasse sans précédent.

La promesse est séduisante : des contrôles plus ciblés, une fraude mieux combattue, et une fiscalité plus juste. Mais l’équation ne se résume pas à des calculs sophistiqués. Pour que cette stratégie réussisse, il faudra convaincre : prouver que ces outils respectent les règles du jeu démocratique. Car si l’intelligence artificielle est puissante, la confiance des contribuables reste la clé.


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