Derrière l’austérité des termes techniques se cache une petite révolution : l’État traque désormais les fraudeurs avec des algorithmes affûtés, transformant des montagnes de données en armes redoutables. Le projet « Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR) incarne cette mutation. En d’autres termes : il met à nu des anomalies invisibles à l’œil humain.
Une montée en puissance, chiffres à l’appui
Quelques étapes suffisent à prendre la mesure de cette révolution silencieuse :
- 2019 : L’IA prend les commandes dans 22 % des contrôles fiscaux, tâtonnant encore.
- 2021 : Elle pilote 44 % des opérations, avec une cible claire : la moitié d’ici un an.
- 2023 : Plus de la moitié des contrôles fiscaux sont désormais orchestrés par des algorithmes, en hausse constante. L’administration vise une extension de ces techniques à 50 % des dossiers de particuliers d’ici 2027.
Des chiffres impressionnants, mais derrière ces pourcentages se cache une réalité bien tangible. Prenez le projet « Foncier innovant », qui repère les piscines oubliées sur les déclarations fiscales à l’aide de l’IA et d’images aériennes. Résultat ? 125 000 piscines régularisées, et un jackpot annuel de 30 millions d’euros pour les caisses publiques.
Les promesses, mais aussi les pièges
Toute avancée technologique a ses ombres. Ici, ce sont des algorithmes qui, bien que performants, restent des boîtes noires. Qui contrôle ces outils ? Quels biais s’y glissent ? Les associations de défense des libertés et la Défenseure des droits sonnent l’alarme : automatiser, c’est bien, mais pas au prix d’erreurs injustes ou de discriminations insidieuses.
Malgré ces mises en garde, Bercy avance à grand pas. Pour 2025, 18 millions d’euros viendront muscler ces dispositifs. Le plan est clair : intégrer les données de Tracfin et des douanes dans un écosystème où l’IA aura une vue panoramique sur les flux financiers. Avec la généralisation de la facturation électronique et du e-reporting, un torrent de données s’apprête à alimenter ces algorithmes, leur offrant un terrain de chasse sans précédent.
La promesse est séduisante : des contrôles plus ciblés, une fraude mieux combattue, et une fiscalité plus juste. Mais l’équation ne se résume pas à des calculs sophistiqués. Pour que cette stratégie réussisse, il faudra convaincre : prouver que ces outils respectent les règles du jeu démocratique. Car si l’intelligence artificielle est puissante, la confiance des contribuables reste la clé.