Innovation : Greenoco mesure et réduit l’impact carbone des sites web

Calculer, réduire et piloter l’impact environnemental des sites web, voilà la promesse de la startup Greenoco. Rencontre avec Mathieu Cottard, Président – Fondateur de la jeune pousse havraise.

Quelle est la genèse de Greenoco ? 

J’ai toujours été très sensible à la protection de l’environnement et de la biodiversité, depuis mon plus jeune âge. Après des études en finance de marché et quelques expériences dans la banque, j’ai décidé en 2011 de créer mon entreprise, une agence Web, au Havre.

Pendant une dizaine d’année, j’ai réalisé une bonne centaine de sites web pour tout type de  structures, des restaurants aux hôpitaux en passant par des Pme et des associations.

Dans ce cadre, nous cherchions une solution pour calculer l’impact environnemental de ce que nous fournissions à nos clients, ainsi  que des solutions pour la réduire.

Nous  devions pour  cela utiliser plusieurs outils, et réaliser un travail très long et fastidieux de consolidation. Il fallait une journée  pour  calculer l’impact  annuel d’un site web, et plusieurs jours pour identifier les optimisations possibles, sans savoir  lesquelles réaliser en priorité.

Suite à un échange avec la French Tech  Le Havre, nous  avons décidé de lancer le projet  Greenoco, afin de créer un outil permettant de rapidement de :

  • Calculer l’impact environnemental d’un site web
  • Identifier  et quantifier en termes d’économies d’émissions de CO2 les optimisations possibles
  • Piloter une démarche d’amélioration dans le temps
  • Valoriser / communiquer les résultats aux  utilisateurs du site

Comment êtes-vous financé ? 

Nous nous sommes financés sur fonds propres, avec le soutien d’organismes tels que la BPI, l’ADNormandie, Normandie Incubation, et des financements  bancaires de la part  du Crédit Agricole. Quelques concours remportés auprès du Crédit  Mutuel de Normandie, KPMG, ou tout récemment SFR Business  nous  apportent également des financements complémentaires.

Nous lançons une levée de fonds afin de renforcer nos équipes tech  et commerciales à présent.

Combien avez-vous de collaborateurs ? 

Nous sommes actuellement une équipe de 6 personnes, dont 4 externes  sur des sujets spécifiques (infrastructure serveur, webperformance, Cybersécurité, …)

Qui sont vos principaux concurrents ? 

Nos principaux concurrents sont localisés en France, notre pays étant assez précurseur sur le domaine. Il s’agit de Greenspector et de Fruggr. 

Greenspector (pionnier du domaine et entreprise sérieuse) mesure via des sondes physiques la consommation électrique des appareils des utilisateurs se rendant sur un site web. Cette mesure physique nécessite de réaliser des tests sur plusieurs modèles d’appareils, une instrumentation lourde, et couteuse. La démarche est donc peu réplicable. De plus la consommation électrique des appareils ne représente que 20% de la consommation électrique d’un site web (50 % data center, et 30% réseau de télécom)

Fruggr réalise une analyse algorithmique en s’intégrant dans le système d’information de ses clients. La société ne communiquant qu’assez peu sur les fonctionnalités réelles de sa solution, je ne peux en dire beaucoup plus. Mais le coût initial d’une prestation est également assez élevé (à partir de 10-15 K€ de ce que j’ai pu en entendre), la solution ne peut  être utilisée que  par  des grands groupes.

Chez Greenoco, nous adoptons une approche plus flexible : pas d’intégration dans le Système d’information du client, et pas d’installation de code sur le site du client.

Notre plateforme en modèle SaaS permet à tout éditeur de site web d’auditer son ou ses sites, de calculer  une  empreinte carbone globale, et surtout d’identifier les optimisations permettant  de réduire cet impact.

Nos algorithmes utilisent pour cela plusieurs variables, à partir de la liste des url des pages du site, et de leur  audience respective (fournie par le client)

Les préconisations d’optimisations sont quantifiées en économies de carbone, afin de prioriser  les actions les plus efficaces.

Enfin, un badge d’éco-score et un rapport en ligne permettent de valoriser la démarche, et de sensibiliser les utilisateurs.

Par exemple, nous avons récemment réalisé une prestation pour le site web  Elle&Vire.

Grâce à nos algorithmes et notre outil, nous avons pu réduire l’impact carbone du site web de 54%, en ne réalisant que 12 optimisations sur le site (les plus importantes)

Notre premier abonnement commence à 39 € ht/m pour l’audit de 5 sites web.

Quelle est votre stratégie de développement ?

Nous recevons de nombreuses demandes de la part des agences web et communication, ainsi que des grands groupes.

Ils ont à présent besoin d’outil pour mettre en œuvre une démarche intégrée aux objectifs de leurs entreprises en termes de réduction d’impact, la piloter, mais aussi maîtriser des coûts et valoriser une image de marque.

Nous répondons à ces enjeux actuellement.

Nous souhaitons donc continuer à nous développer auprès de ces grands groupes et agences de communication, car notre solution semble actuellement répondre à ces besoins.

Nous allons également continuer à développer notre technologie sur plusieurs volets (renforcement de la réduction d’impact environnemental, accessibilité web, plugins pour sites wordpress par exemple), développer une offre de formation e-learning, et des accompagnements à l’éco-conception de services numériques.

Nous verrons  ensuite pour exporter notre solutions hors de France.

Combien avez-vous de clients ? Quelle est leur typologie ? 

Nous travaillons avec des clients allant du grand Groupe, tel que le groupe Savencia ou Pierre Fabre, aux associations, en passant par les PME et entreprises de taille intermédiaires.

Plus que la taille de la structure, c’est son niveau d’engagement sociétal qui est actuellement le dénominateur commun de nos clients. Ils intègrent cette démarche car elle est environnementalement vertueuse, économiquement  performante, et pionnière en terme d’image de marque, tant en externe qu’en marque employeur..

Quels sont vos objectifs pour l’année 2024 ?

En 2024, nous souhaitons valider notre collaboration avec plusieurs groupes et clients, en particulier sur les phases d’accompagnement et conseil.

Nous allons également continuer à développer notre technologie, et souhaitons pour cela réaliser une levée de fonds pour renforcer les équipes techniques et d’accompagnement client.

Car plus nous aurons de clients, plus nous pourrons réduire l’impact environnemental des services numériques, notre raison d’être.

À quelles transformations majeures votre secteur doit-il s’attendre dans les prochaines années ?

On parle d’IA partout actuellement. Cette  évolution pourrait également nous être utile, si elle est bien utilisée. En effet, il ne faudrait pas que les outils développés pour réduire l’impact environnemental du numérique deviennent plus polluants que l’économie qu’ils procurent, simplement pour utiliser de l’IA et être à la mode à la vue des investisseurs.

L’évolution de la réglementation est aussi une transformation majeure de notre écosystème. En validant la Loi REEN, et en  posant le cadre du RGESN (Le Référentiel  Général d’éco-conception des  services numériques), la France renforce une démarche pionnière sur  ce sujet au niveau mondial. La prise de conscience au  niveau mondial de la responsabilité du numérique  dans les émissions mondiales de CO2 (estimées à 6% aujourd’hui, mais sans prise en  compte de  l’IA et des cryptomonnaies), et de la consommation de  15% environ de la production mondiale d’électricité, pourrait faire évoluer rapidement le secteur.

Propos recueillis par Nicolas Martin

A lire aussi
Gérard Gatt (Sakowin) : « Le climat ne peut plus attendre, nous devons agir »


Partagez votre avis