Longtemps perçu comme un passage obligé vers la réussite professionnelle, le poste de manager a perdu son lustre. Jadis signe de progression et de reconnaissance, il devient aujourd’hui un fardeau dont beaucoup cherchent à se délester. En 2025, les salariés refusent de plus en plus souvent les promotions vers des postes d’encadrement, préférant rester experts ou opérateurs. Pourquoi ce rôle, autrefois convoité, rebute-t-il autant ? Et surtout, quelles vérités les entreprises évitent-elles d’évoquer lorsqu’elles tentent de recruter des managers ?
Le management en crise : le constat chiffré
Une fonction de plus en plus boudée
Les données sont sans appel. D’après une enquête Ipsos menée en 2024, seuls 52 % des jeunes actifs envisagent de prendre un poste de manager, contre 68 % dix ans plus tôt. Dans certains secteurs, la défiance est encore plus marquée : dans le numérique et la santé, le taux d’acceptation des promotions managériales s’effondre.
Parallèlement, le burn-out managérial explose. L’Observatoire de la Qualité de Vie au Travail (OQVT) rapporte que 43 % des managers intermédiaires se disent en état d’épuisement professionnel, contre 37 % des cadres supérieurs. Les principales causes ? Une charge de travail intenable, une pression permanente et un manque criant de soutien organisationnel.
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Reconnaître un manager toxique
Les racines du malaise
Des journées sans fin, une pression sans limite. Être manager en 2025, c’est naviguer entre des objectifs financiers toujours plus ambitieux, des crises internes permanentes et l’exigence d’un management bienveillant… sans avoir les moyens de l’appliquer. Loin du simple rôle de coordinateur, le manager devient pompier en chef, contraint d’éteindre tous les incendies.
Un salaire qui ne suit plus. Si la charge mentale explose, la rémunération, elle, stagne. Selon une étude de Cadremploi, près de 60 % des managers jugent leur salaire insuffisant au regard de leurs responsabilités accrues. L’écart entre effort et récompense ne cesse de se creuser.
Une perte de sens vertigineuse. Le manager est pris en étau entre des directives souvent déconnectées du terrain et des équipes en quête de reconnaissance. Coincé entre les attentes contradictoires de la hiérarchie et des collaborateurs, il finit par se désengager lui-même.
Ce que les entreprises taisent aux futurs managers
Une charge mentale colossale
Lorsqu’elles promeuvent un salarié au rang de manager, les entreprises se gardent bien de détailler la charge émotionnelle du poste. Car au-delà des chiffres et des tableaux de bord, il faut gérer des équipes humaines avec leur lot de tensions, d’anxiétés et de conflits.
Les nouvelles attentes de la direction ? Être à la fois un leader inspirant, un coach bienveillant et un gestionnaire rigoureux. Un triple rôle qui, sans formation adéquate ni accompagnement, mène droit à l’épuisement.
Une solitude grandissante
Le passage d’un rôle d’exécutant à celui de chef crée une distance inévitable avec les anciens collègues. Fini les pauses café insouciantes : le manager est désormais celui qui tranche, évalue, sanctionne parfois. Une rupture sociale qui peut rapidement peser, d’autant que la hiérarchie, elle, se montre souvent absente quand il s’agit de soutenir ses propres managers.
Des objectifs démesurés, des moyens dérisoires
Faire toujours plus avec toujours moins. C’est la nouvelle équation managériale. Les entreprises ne cessent de fixer des objectifs ambitieux, mais sans fournir les ressources nécessaires pour les atteindre :
– Pas assez d’effectifs pour absorber la charge de travail.
– Des budgets sous tension, limitant toute marge de manœuvre.
– Une bureaucratie étouffante, où chaque initiative se heurte à des process complexes.
Résultat ? Une performance globale en berne et des équipes démotivées.
La formation, cette promesse creuse
Sur le papier, les entreprises promettent des parcours de formation solides pour aider les managers à prendre leurs fonctions. Dans la réalité, ces programmes sont souvent réduits à quelques modules e-learning, sans véritable accompagnement sur le terrain.
Un chiffre en dit long : selon Le Figaro Emploi, 65 % des nouveaux managers estiment ne pas avoir été préparés à leurs responsabilités. Un manque de préparation qui les pousse à improviser… et souvent à échouer.
Un management en péril, des entreprises en danger
Turnover en hausse, talent en fuite
Face à l’attrait décroissant du management, certaines entreprises se retrouvent en difficulté pour recruter des cadres intermédiaires. Dans le secteur technologique, près de 30 % des employés qualifiés préfèrent quitter leur entreprise plutôt que d’endosser un rôle de manager.
Le coût du désengagement est colossal : entre départs non anticipés et recrutements en urgence, les entreprises dépensent des fortunes pour combler les postes vacants.
Un climat social dégradé
Moins de managers compétents, c’est aussi moins de régulation dans les équipes. Résultat ?
– Un engagement en chute libre, faute de leadership structurant.
– Une multiplication des tensions internes.
– Une culture d’entreprise fragilisée, où chacun cherche avant tout à protéger ses intérêts.
Comment redonner envie de manager ?
Jouer la transparence dès le recrutement
Les entreprises doivent cesser de vendre du rêve. Mieux vaut être honnête sur les défis du poste et s’assurer que le candidat sait à quoi s’attendre.
Offrir un vrai accompagnement
– Une formation digne de ce nom, avec du mentorat et du coaching sur le long terme.
– Un soutien organisationnel concret, avec des ressources adaptées aux exigences du rôle.
Valoriser le métier de manager
– Rémunération ajustée à la charge de travail : les entreprises doivent revaloriser les salaires pour refléter les responsabilités réelles.
– Reconnaissance explicite : primes, avantages, mise en avant des réussites managériales.