Agriculture : la startup Agriodor veut en finir avec les insecticides

Quel a été le déclic pour vous lancer dans le développement de solutions de biocontrôle alternatives aux insecticides ?

Alain Thibault : Agriodor été créée en 2019. Ene Leppik, spécialiste dans les médiateurs chimiques et chercheur à l’INRAE, souhaitait créer son entreprise pour développer une nouvelle technologie dans les champs et les grandes cultures. J’ai eu un vrai coup de foudre pour son projet.  

Le projet de remplacer les insecticides était passionnant. Le challenge également puisque cette technologie des kairomones et allomones n’avait jamais été utilisée dans les champs et personne ne savait si cela pouvait marcher.

Quels sont les principaux concurrents d’Agriodor ?

Nos concurrents sont l’ensemble des sociétés qui ont des produits qui combattent les insectes ravageurs. Mais il est à noter que ces solutions sont parfois complémentaires et non concurrentes. Le marché est très porteur à l’échelle mondiale : certains pays interdisent l’utilisation de certaines molécules et il faut donc mettre au point de nouvelles solutions efficaces, d’autres pays n’interdisent pas mais les insectes deviennent de plus en plus vite résistants et les molécules sont de moins en moins efficaces.

Combien de collaborateurs comptez-vous aujourd’hui et quels sont vos objectifs sur ce point ?

Nous sommes 30 collaborateurs – principalement des chercheurs au laboratoire et des agronomes pour effectuer les déploiements dans les champs.

Comment êtes-vous financé (levées de fonds, etc.) ?

J’ai moi-même financé les deux premières années puis nous avons levé 1 M€ auprès de business angels avant de réussir  un tour de table de 8 M€ avec des fonds d’investissement.

Qui sont vos clients et quels sont leurs besoins identifiés ?

La distribution de nos produits est effectuée par un distributeur qui a la surface en termes de force vente pour déployer nos solutions à l’échelle mondiale. Nous ne vendons pas directement aux agriculteurs mais nous avons énormément de contacts avec eux car ils sont les utilisateurs/consommateurs de nos solutions. Par exemple, pour notre solution concernant le puceron vert de la betterave, la distribution a été confiée à Syngenta, un des leaders mondiaux de la protection des cultures.

Combien de clients touchez-vous ?

Indirectement, c’est très important. Rien qu’en France, il y a entre 20 et 25 000 betteraviers. Ils vont tous se poser la question de la protection de leur culture et donc de l’utilisation ou pas de notre solution.

Quels sont vos projets pour les prochains mois ?

Agriodor est dans la phase de scale up. Maintenant que nous avons prouvé l’utilité et l’efficacité de cette technologie dans les champs pour remplacer les insecticides, nous nous déployons en Europe, nous lançons des projets traitant de nouveaux insectes et de nouvelles cultures. Nous attaquons aussi les marchés américains et brésiliens qui ont des tailles très importantes.

À quelles transformations majeures votre secteur doit-il s’attendre dans les prochaines années ?

C’est une véritable révolution agricole qui est en cours grâce aux nombreuses nouvelles technologies et à l’innovation. Pour Agriodor, le frein majeur de notre développement en Europe est les homologations. La réglementation n’a pas su évoluer avec les nouvelles technologies et c’est le frein majeur à l’innovation. Alors que nous sommes censés remplacer les insecticides, de ne pas tuer les insectes,… la réglementation historique nous classe dans la famille des insecticides, ce qui nous demande près de 7 ans de procédure pour obtenir le droit de vendre nos solutions. Alors qu’en 3 ans nous sommes capables de mettre au point des produits pour remplacer les insecticides. C’est fou ! Les américains et les Brésiliens l’ont bien compris et ont fait évoluer drastiquement leur réglementation.

Propos recueillis par Julien Decourt

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