Auto-entrepreneur : quelle retraite toucherez-vous vraiment ?

Saviez-vous que votre statut d’auto-entrepreneur vous prive d’une grande partie de votre retraite ? Découvrez pourquoi… et comment limiter la casse.

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Avec plus de deux millions de travailleurs recensés sous ce statut en France, les auto-entrepreneurs représentent une force économique incontournable. Pourtant, leur avenir à la retraite demeure largement incertain. À revenus équivalents, leurs pensions sont souvent bien inférieures à celles des salariés. Pourquoi ? Et comment y remédier ? Enquête sur un système qui pénalise l’indépendance.

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Un système structurellement moins favorable

Les données sont sans appel. En 2018, selon l’Insee, les travailleurs indépendants touchaient en moyenne 1 068 euros de pension par mois, contre 1 544 euros pour les salariés. Un écart de près de 500 euros, qui s’est confirmé ces dernières années. En 2023, cet écart reste de l’ordre de 30 %.

Cet écart ne s’explique pas uniquement par des niveaux de revenus plus faibles. Il est avant tout structurel. Contrairement aux salariés, les auto-entrepreneurs ne bénéficient pas de cotisations patronales. Leur retraite est calculée sur une assiette réduite, et leur taux de cotisation est souvent plus faible. De plus, jusqu’en 2023, ils ne cotisaient pas pour une retraite complémentaire, réduisant encore davantage le montant final de leur pension.

Selon le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI), 71 % des auto-entrepreneurs estiment que leur couverture sociale obligatoire est insuffisante. Une inquiétude fondée au regard des droits qu’ils acquièrent au fil de leur carrière.

Régimes de retraite : régime général ou Cipav ?

Le régime de retraite auquel un auto-entrepreneur est affilié dépend de la nature de son activité. Pour la majorité des professions commerciales, artisanales ou libérales non réglementées, le rattachement s’effectue auprès du régime général de la Sécurité sociale via la Cnav. Les professions libérales réglementées (architectes, kinésithérapeutes, ostéopathes, etc.) sont, elles, affiliées à la Cipav.

Depuis 2018, certaines professions libérales non réglementées ont la possibilité d’opter pour le régime général, ce qui simplifie leur couverture sociale. Cette distinction est essentielle car les deux régimes reposent sur des logiques différentes : le régime général valide des trimestres selon le revenu déclaré, tandis que la Cipav applique un système de points. Cette différence a un impact direct sur le calcul des droits à la retraite.

Comment fonctionnent vos cotisations retraite ?

Les cotisations retraite des auto-entrepreneurs ne sont pas basées sur un salaire, mais sur le chiffre d’affaires déclaré. Ce montant est ensuite soumis à un taux de cotisation global qui varie selon la nature de l’activité :

  • 12,3 % pour l’achat-vente de marchandises
  • 21,2 % pour les prestations de services commerciales ou artisanales
  • 21,1 % pour les activités libérales relevant du régime général
  • 23,2 % pour les professions libérales relevant de la Cipav

À partir de juillet 2024, une hausse progressive des taux est prévue pour les libéraux relevant du régime général : 24,6 % en 2025, puis 26,1 % en 2026. Cette augmentation vise à financer la retraite complémentaire, dont ces travailleurs étaient exclus jusqu’alors. Selon la Fédération nationale des auto-entrepreneurs, cela représente environ 500 euros de cotisations annuelles supplémentaires, pour un gain estimé de 75 euros mensuels en pension complémentaire.

Validation des trimestres : des seuils à ne pas négliger

Pour acquérir des droits à la retraite, un auto-entrepreneur doit valider des trimestres. Il peut en valider jusqu’à quatre par an, à condition d’atteindre certains seuils de chiffre d’affaires. En 2025, ces seuils sont les suivants :

  • Vente de marchandises : 6 145 € (1 trimestre), 24 579 € (4 trimestres)
  • Prestations de services commerciales : 3 564 € (1 trimestre), 14 256 € (4 trimestres)
  • Activités libérales (régime général) : 2 700 € (1 trimestre), 10 800 € (4 trimestres)
  • Activités libérales (Cipav) : 2 660 € (1 trimestre), 10 640 € (4 trimestres)

Ces montants s’entendent en chiffre d’affaires brut. Or, pour le calcul de la retraite, un abattement forfaitaire est appliqué : 71 % pour la vente, 50 % pour les services BIC et 34 % pour les BNC. Résultat : un auto-entrepreneur qui réalise 12 000 euros annuels de chiffre d’affaires en activité commerciale ne validera que deux trimestres.

Cette mécanique contribue à la faiblesse des pensions. Une étude récente indique qu’un auto-entrepreneur à revenu équivalent touchera en moyenne 40 % de moins qu’un salarié, en raison de la base de cotisation plus faible et de l’absence de retraite complémentaire durant la majeure partie de leur carrière.

Calcul de la pension de retraite : une mécanique stricte

Le calcul de la retraite de base pour un auto-entrepreneur affilié au régime général suit la formule classique :

Pension annuelle = Revenu moyen × Taux × (Trimestres validés / Trimestres requis)

Trois éléments sont déterminants :

  • Le revenu annuel moyen : calculé sur les 25 meilleures années après abattement
  • Le taux de liquidation : 50 % si tous les trimestres requis sont validés ou à partir de 67 ans
  • La durée de référence : de 160 à 172 trimestres selon l’année de naissance

Par exemple, un auto-entrepreneur né après 1973, avec 172 trimestres validés et un revenu annuel moyen de 20 000 euros, percevra 10 000 euros de retraite de base par an, soit environ 833 euros par mois.

Pour ceux affiliés à la Cipav, le calcul repose sur un nombre de points accumulés et leur valeur au moment du départ à la retraite. En 2024, cette valeur est de 0,6540 euro pour la base Cipav, contre 1,327 euro pour la complémentaire du régime général.

Retraite complémentaire : un levier encore limité

Jusqu’en 2023, la majorité des auto-entrepreneurs ne cotisaient pas pour une retraite complémentaire. La réforme engagée en 2024 vise à combler ce vide. Les cotisations supplémentaires prélevées permettront désormais d’acquérir des points de retraite complémentaire.

En 2025, un auto-entrepreneur ayant accumulé 5 000 points au régime général percevra environ 552 euros mensuels de retraite complémentaire. Combinée à sa retraite de base, sa pension totale pourrait ainsi atteindre 1 400 euros par mois, à condition d’avoir une carrière complète et continue.

Quelles conditions pour partir à la retraite à taux plein ?

En 2025, l’âge légal de départ à la retraite est fixé à 62 ans et six mois. Toutefois, pour bénéficier d’une pension à taux plein, deux conditions sont requises : avoir validé tous les trimestres requis ou attendre l’âge du taux plein automatique, fixé à 67 ans.

Si l’auto-entrepreneur ne remplit pas ces conditions, une décote s’applique : 1,25 % de réduction par trimestre manquant, dans la limite de 25 %.

Un filet de sécurité existe sous la forme du minimum contributif, fixé à 893,66 euros mensuels bruts pour une carrière complète. En dessous de ce seuil, il est possible de demander l’ASPA (Allocation de solidarité aux personnes âgées), sous conditions de ressources. En 2025, cette aide garantit un revenu minimum de 1 034,28 euros par mois pour une personne seule.

Améliorer sa retraite : quelles stratégies complémentaires ?

Face à la faiblesse des pensions, les solutions alternatives sont indispensables. Le Plan d’épargne retraite (PER), lancé en 2019, permet de se constituer un capital en bénéficiant d’une déduction fiscale. Il offre également une grande souplesse à la sortie, avec la possibilité d’opter pour une rente, un capital ou un mélange des deux.

Les anciens contrats Madelin, encore en vigueur pour certains indépendants, offrent aussi des avantages fiscaux, mais imposent une sortie en rente viagère.

D’autres solutions comme l’assurance-vie ou l’investissement locatif permettent de générer des revenus complémentaires, tout en préparant une retraite plus confortable.

Enfin, le rachat de trimestres peut être envisagé. En 2025, le coût d’un trimestre racheté varie entre 1 055 et plus de 6 000 euros selon l’âge et les revenus. Le rachat d’années d’études bénéficie d’un tarif préférentiel jusqu’à l’âge de 40 ans.

Cumul emploi-retraite : des possibilités élargies

Depuis la réforme de 2023, un auto-entrepreneur retraité peut continuer à exercer une activité tout en percevant l’intégralité de sa pension, à condition d’avoir atteint l’âge légal, validé tous ses trimestres, et liquidé l’ensemble de ses pensions.

En cas de cumul partiel, les plafonds varient selon l’affiliation : 23 550 euros par an pour les affiliés à la Sécurité sociale des indépendants, et jusqu’à 47 100 euros pour les professions libérales rattachées à la CNAVPL.

Une nouveauté importante : ce cumul permet désormais d’acquérir de nouveaux droits à la retraite, dans une limite de 5 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 2 355 euros en 2025.

Des réformes, mais une information encore lacunaire

L’augmentation progressive des cotisations prévue d’ici 2026 représente un tournant majeur. Elle vise à aligner la protection sociale des auto-entrepreneurs sur celle des travailleurs indépendants classiques. Mais malgré ces avancées, 90 % des auto-entrepreneurs déclarent ne pas comprendre le fonctionnement de leur retraite obligatoire, selon une étude récente.

Le déficit d’information, ajouté à la complexité des régimes, contribue à une mauvaise anticipation des besoins futurs. Or, face à une carrière souvent morcelée et des revenus fluctuants, l’anticipation est cruciale.



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