L’UFC-Que Choisir met en lumière les pratiques de deux poids lourds du secteur du pain de mie, Harrys et Jacquet. En cause : des allégations marketing qui, derrière une apparente transparence, dissimulent des procédés de fabrication et des choix de formulation bien moins vertueux qu’ils n’y paraissent. Enquête sur les rouages d’un emballage conçu pour rassurer plutôt que pour informer.
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L’emballage comme outil de persuasion
« Sans sucres ajoutés », « complet », « sans additifs », « sans huile de palme » : les pains de mie Harrys et Jacquet multiplient les promesses sur leurs emballages. Ces mentions, en apparence rassurantes, évoquent une qualité nutritionnelle supérieure et une forme d’engagement pour la santé du consommateur. Pourtant, l’analyse menée par Que Choisir révèle une série de décalages notables entre les affirmations imprimées sur les paquets et la réalité de la composition des produits. Une mécanique bien huilée, où chaque mot est choisi pour orienter la perception sans nécessairement refléter les faits.
Derrière le « sans sucres ajoutés », des teneurs en sucre préoccupantes
L’une des allégations les plus valorisantes, celle de l’absence de sucres ajoutés, est emblématique de cette logique d’ambiguïté. Si les fabricants n’incorporent effectivement ni saccharose, ni miel, ni édulcorants, plusieurs produits de la gamme affichent néanmoins des taux de sucres naturellement présents particulièrement élevés. Le pain de mie « Extra moelleux » de Harrys contient ainsi 7 % de sucres, et la version « sans croûte à la farine complète » de Jacquet en atteint 6,6 %.
En cause : les procédés de panification industrielle, qui favorisent la transformation de l’amidon en sucres simples par l’ajout d’enzymes et de farines maltées. Autrement dit, l’absence de sucres « ajoutés » ne signifie pas pour autant que le produit soit peu sucré. Ce glissement sémantique, toléré sur le plan réglementaire, laisse cependant peu de place à une interprétation honnête pour le consommateur moyen.
Le faux-semblant du pain « complet »
Autre allégation sujette à caution : celle du pain de mie « complet ». Selon Que Choisir, plusieurs références estampillées comme telles ne contiennent, en réalité, qu’une fraction de farine complète, le reste étant constitué de farine blanche raffinée. Chez Harrys, entre un tiers et la moitié de la farine utilisée dans les produits dits « à la farine complète » est en fait du blé raffiné. Jacquet fait légèrement mieux, mais reste concerné.
Rien n’interdit légalement ce type de formulation. Toutefois, il en résulte une représentation trompeuse de la qualité nutritionnelle, notamment en termes d’apports en fibres et en micronutriments. D’autres fabricants parviennent à proposer des pains intégralement réalisés avec de la farine complète. La différence n’est donc ni technique, ni économique, mais bien stratégique.
Additifs dissimulés, mentions floutées
La promesse de pains « sans additifs » mérite, elle aussi, un examen attentif. Les emballages des produits concernés renvoient systématiquement, via un astérisque, à une mention discrète : « contient des ingrédients ayant un rôle similaire ». C’est le cas notamment de l’extrait ou du jus d’acérola en poudre, utilisé pour ses propriétés antioxydantes.
Bien qu’il ne soit pas classé officiellement comme additif, cet ingrédient remplit une fonction identique à celle de l’acide ascorbique (E300), conservateur courant dans l’industrie boulangère. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) examine d’ailleurs actuellement la sécurité de ce substitut, ce qui interroge sur sa légitimité à être ainsi exclu de la liste des additifs. Ni Harrys ni Jacquet ne reconnaissent son statut fonctionnel : l’un parle d’« ingrédient naturel », l’autre affirme qu’il ne joue « aucun rôle sur la conservation ». Un positionnement qui contourne l’esprit, sinon la lettre, de la réglementation.
Un Nutri-Score qui s’effritera dès 2027
Aujourd’hui, la majorité des références analysées par Que Choisir arborent un Nutri-Score A, particulièrement valorisant aux yeux du grand public. Mais cette note avantageuse pourrait ne pas survivre à la refonte du calcul prévue pour 2027. D’après les projections de l’association, un tiers des pains de mie Jacquet et la moitié de ceux de Harrys devraient alors être rétrogradés au Nutri-Score C. Moins de 20 % des produits conserveraient la note A.
Jacquet s’est engagé à maintenir l’affichage du Nutri-Score, même après la réforme. Harrys, pour sa part, a évité de répondre à la question. Le score nutritionnel, outil de comparaison objectif s’il est appliqué dans la durée, pourrait devenir un simple levier marketing temporaire pour les marques peu enclines à adapter leurs recettes.
Une communication fondée sur des peurs anciennes
Parmi les nombreuses mentions mises en avant, celle de l’absence d’huile de palme illustre la manière dont certaines formules entretiennent des inquiétudes obsolètes. Aucun des pains de mie analysés ne contient aujourd’hui cet ingrédient. Pourtant, son évocation continue de fonctionner comme un signe de vertu. Là encore, la stratégie est claire : faire de l’absence d’un problème inexistant un argument de vente rassurant.
Un besoin urgent de clarification réglementaire
L’enquête de Que Choisir révèle une industrie où l’étiquetage et le discours nutritionnel sont largement dictés par des impératifs commerciaux, souvent au détriment d’une information juste et intelligible. À travers des formulations ambiguës, des ingrédients aux statuts flous et un usage opportuniste des outils de notation, les marques construisent une image de qualité qui ne résiste pas toujours à l’analyse.
Lire l’enquête complète sur quechoisir.org : Harrys et Jacquet, rois des promesses douteuses