Alors que les débats sur l’égalité professionnelle s’intensifient, la parité dans les postes à haute responsabilité reste un objectif encore lointain. Malgré des avancées législatives et quelques symboles visibles, les femmes dirigeantes demeurent largement sous-représentées dans les instances de décision.
Le Livre Blanc publié par AFemaleAgency, intitulé « Femmes dirigeantes : 2030, l’année de la parité ? », met en lumière les multiples freins structurels et biais de genre qui entravent leur ascension. De la pénalité de maternité aux pratiques de recrutement non inclusives, l’analyse révèle une réalité bien éloignée des discours institutionnels.
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Des biais de genre toujours bien ancrés
Selon l’INSEE, les femmes avec enfants ont 18 % moins de chances d’être promues à des postes dirigeants que leurs homologues masculins ou que les femmes sans enfants. Ce phénomène, appelé « pénalité de la maternité », s’ancre dans les stéréotypes selon lesquels les femmes seraient moins disponibles professionnellement à cause de leurs responsabilités familiales.
Par ailleurs, les décisions de promotion en entreprise montrent un biais flagrant : les femmes sont jugées principalement sur leurs réalisations passées, tandis que les hommes sont souvent évalués sur leur potentiel futur, ce qui pénalise significativement les carrières féminines.
Culture d’entreprise et équilibre vie pro/perso
Trois dimensions problématiques de la culture d’entreprise actuelle se démarquent :
Manque de flexibilité : Mercedes Erra, présidente de BETC Groupe, avertit : « Le télétravail ne doit pas assigner les femmes à résidence ». Cette flexibilité mal maîtrisée accentue la charge domestique des femmes, particulièrement visible pendant la crise sanitaire du Covid-19.
Politiques parentales insuffisantes : Les congés maternité ou parentaux sont souvent considérés comme des pauses nuisibles à la progression des femmes. De plus, le partage équitable des congés parentaux reste très limité, accroissant encore la pression sur les femmes.
Exclusion des réseaux professionnels : Amandine de Souza, ancienne directrice générale du BonCoin, témoigne que « ces cercles ne sont pas simplement des lieux de rencontre, ce sont des lieux où des opportunités se créent ». L’exclusion de ces réseaux dominés par les hommes prive les femmes de précieuses occasions de carrière.
L’opt-out, symptôme d’un système organisationnel défaillant
Le phénomène d’« opting-out » décrit un choix délibéré des femmes de quitter les trajectoires classiques de leadership en raison d’une inadéquation organisationnelle profonde. Sarah Huet, cofondatrice d’AFemaleAgency, explique : « L’opting-out met en lumière le choix actif des femmes de quitter les trajectoires de leadership en raison de structures organisationnelles inadaptées ou d’attentes professionnelles irréalistes ». Ce choix volontaire engendre souvent une précarisation économique et une perte de pouvoir professionnel.
Certaines actions symboliques, telles que quelques nominations féminines isolées ou des formations sur la diversité sans réelle volonté de transformation structurelle, se révèlent inefficaces. Ces initiatives déconnectées d’une vraie stratégie « seront complètement inutiles ». L’absence de soutien explicite du top management empêche toute avancée sérieuse vers une parité réelle.
Recrutement : un levier encore peu inclusif
Les pratiques classiques de recrutement représentent souvent un frein à la féminisation des instances dirigeantes. Elisabeth Moreno, ancienne ministre et dirigeante expérimentée, partage son expérience : « Je n’ai jamais été recrutée par un cabinet. Même avec mon parcours, je ne cochais aucune de leurs cases ». Cela souligne la nécessité d’évoluer vers des cabinets spécialisés, tels AFemaleAgency, capables de proposer des candidatures exclusivement féminines, dans une approche proactive de la discrimination positive.
Le manque de représentation médiatique des femmes dirigeantes renforce leur invisibilité professionnelle. L’étude Women in Media révèle que « 70 % des jeunes femmes se sentent encouragées à poursuivre des carrières de leadership lorsqu’elles voient des modèles féminins médiatisés ». Marlène Schiappa insiste ainsi sur le rôle crucial des médias pour briser ces barrières symboliques.
Pour lever ces freins, AFemaleAgency préconise des quotas imposés par la Loi Rixain (40 % de femmes dirigeantes d’ici 2030), ainsi que des politiques internes ambitieuses de sponsoring et de coaching ciblées pour les femmes. La discrimination positive, correctement mise en œuvre, apparaît comme une nécessité pour réparer des décennies d’inégalités structurelles.
Une mobilisation collective indispensable
François Hollande rappelle que « tant que nous ne lèverons pas ces barrières, nous freinerons non seulement leur accession aux instances dirigeantes, mais aussi notre propre progrès collectif ». La prise de conscience doit se traduire immédiatement par des actions concrètes pour que la parité devienne une réalité tangible et bénéfique pour toute la société.
Face à la lenteur des progrès et à l’inertie de certains modèles organisationnels, l’appel à une action collective ambitieuse devient incontournable. La parité ne saurait émerger sans une remise en question en profondeur des pratiques managériales, des politiques RH, des représentations médiatiques et des mécanismes de pouvoir. À l’horizon 2030, l’objectif des 40 % de femmes dirigeantes fixé par la Loi Rixain impose non seulement des quotas, mais aussi une volonté politique et managériale affirmée. Plus qu’un enjeu d’égalité, il s’agit d’un levier stratégique de performance, d’innovation et de justice sociale.