Cherté de la vie en Martinique : les raisons qui font grimper les prix

Pourquoi tout coûte-t-il plus cher en Martinique ? Au-delà des clichés et des idées reçues, la réponse tient en trois éléments : la distance géographique, la taille limitée du marché et une fiscalité locale complexe.

Ce n’est ni une illusion ni une exagération : la vie coûte réellement plus cher en Martinique qu’en France métropolitaine. L’État lui-même reconnaît cette vérité et octroie aux fonctionnaires en poste sur l’île une prime de 40 % destinée à compenser partiellement cet écart.
L’Insee, dans une étude publiée en 2022, quantifie ce différentiel à 14 % en moyenne, mais pointe surtout un chiffre inquiétant : les produits alimentaires, au cœur des dépenses des ménages martiniquais, affichent des prix supérieurs de près de 40 % (Préfecture de Martinique, octobre 2024). Derrière cette réalité, qui a nourri en fin d’année 2024 des tensions sociales violentes et coûteuses pour les entreprises, se cachent des dynamiques économiques complexes et structurelles.

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L’impact des frais liés au transport et à la logistique

La géographie impose ses lois. Pour une île distante de 7 000 kilomètres du continent européen, la question du transport devient un défi permanent : 80 % des biens consommés en Martinique proviennent d’ailleurs, principalement de l’Europe. Résultat ? Les frais liés au transport et à la logistique expliquent à eux seuls 67 % de l’écart de prix observé avec l’Hexagone. Franchir l’Atlantique coûte cher, inévitablement payé par les consommateurs martiniquais. À cette contrainte géographique s’ajoute la taille étroite du marché local, qui condamne les entreprises à de faibles économies d’échelle.

Avec seulement 350 000 habitants (l’équivalent de villes comme Nantes ou Nice), chaque entreprise locale amortit ses coûts fixes sur une clientèle restreinte, poussant mécaniquement les prix vers le haut. Enfin, la fiscalité locale – particulièrement l’octroi de mer, complexe et parfois opaque – amplifie ce phénomène en alourdissant mécaniquement les prix des produits importés.

Fort-de-France, Martinique | Prayitno, CC BY 2.0

La taille du marché

Le secteur de la grande distribution en Martinique n’est pas aussi concentré qu’on pourrait le penser, mais il se distingue surtout par un foisonnement inhabituel d’intermédiaires. Là où la métropole en compte généralement cinq, l’île en accumule entre douze et quinze. Chaque acteur prélève naturellement sa marge, multipliant ainsi les coûts. Cette accumulation de marges successives explique pourquoi les prix alimentaires dépassent de 42 % ceux pratiqués en France métropolitaine, selon Libération.

Ce phénomène persiste malgré une surveillance étroite exercée par l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF, dont l’une des missions est d’éviter les abus outre-mer. Produire ou importer en petites quantités ne permet pas aux entreprises locales de réaliser des économies d’échelle suffisantes. Résultat : les coûts de revient augmentent, et donc les prix de vente également. Autrement dit, moins on est nombreux, plus on paie cher.

Jusqu’à quinze intermédiaires

Enfin, la fiscalité locale joue un rôle déterminant. L’octroi de mer, taxe spécifique aux Outre-mer, alourdit la facture finale pour les consommateurs. S’ajoute à cela une chaîne de distribution particulièrement longue et complexe, avec parfois jusqu’à quinze intermédiaires, contre cinq en métropole. Chaque maillon de la chaîne ajoute sa marge, et ces marges cumulées finissent par faire flamber les prix en magasin.

Face à une situation économique dégradée, les réponses politiques existent mais restent limitées. Le récent protocole du 16 octobre 2024, visant à réduire le coût de certains produits alimentaires, constitue une avancée, selon les observateurs. Il s’attaque aux leviers fiscaux pour réduire les prix alimentaires, mais sa portée reste limitée et son efficacité, incertaine sur le long terme. L’île reste exposée aux fluctuations mondiales des marchés et aux bouleversements géopolitiques ou climatiques. Sur l’année 2024, l’inflation s’est établie à +1,8 % en Martinique, contre 1,3 % pour l’ensemble de la France.

Abaisser les coûts de fret

Face à cette spirale négative qui plonge 27 % de la population martiniquaise – et 32 % des enfants – sous le seuil de pauvreté (contre 14 % en moyenne nationale), de nombreuses organisations, syndicales et patronales, estiment qu’il est temps de changer de paradigme économique afin de bâtir une économie locale plus forte et moins dépendante des importations. Parmi les propositions qui font l’unanimité, on retrouve l’abaissement des coûts de fret, la simplification fiscale, l’allègement des contraintes administratives et le soutien aux initiatives économiques locales.


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