Quand Charles de Gaulle devient président de la République en 1959, le pays est à terre, ravagé les conséquences de la guerre, et son économie est à l’arrêt. De Gaulle veut construire rapidement, moderniser en profondeur pour replacer la France dans le concert des grandes puissances économiques. Mais comme toujours avec De Gaulle, la méthode est musclée, l’ambition presque démesurée, et les résultats, bien que spectaculaires, ne font pas l’unanimité.
Un État stratège pour relever la France
De Gaulle croit fermement au rôle de l’État comme chef d’orchestre économique. Inspiré par le colbertisme, il mise sur la planification : infrastructures modernes, champions industriels nationaux et stabilité budgétaire. Le fameux Plan devient l’outil clé de cette transformation. Résultat ? Le franc est stabilisé, les finances publiques maîtrisées et la France retrouve des couleurs. Mais le dirigisme de De Gaulle irrite. Les syndicats et les acteurs privés peinent parfois à suivre les injonctions de cet État omniprésent. De Gaulle avance, quitte à bousculer. Cette marche forcée vers la modernisation s’accompagne de profondes fractures sociales.
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Des succès indiscutables pour De Gaulle
Le bilan économique de l’ère gaullienne compte des réussites. Sous De Gaulle, le pays se couvre de ponts, de routes et de lignes ferroviaires. Le pont de Tancarville, le RER et le boulevard périphérique de Paris sont des exemples emblématiques de cette dynamique. De Gaulle ne se contente pas de bâtir des infrastructures. Il veut une industrie forte et compétitive. Des regroupements stratégiques permettent de créer des « champions nationaux », moteurs de la croissance française. L’électronique, l’automobile, le nucléaire, l’aérien (Concorde) et l’aérospatial en bénéficient. Sous De Gaulle, la France a connu un véritable âge d’or industriel.
En pleine croissance des Trente Glorieuses, la France affiche une santé financière enviable. Les déficits sont contenus, la balance des paiements excédentaire, et le franc regagne sa place sur la scène monétaire internationale. Cette modernisation accélérée, véritable redressement économique, impressionne. Mais elle n’est pas sans zones d’ombre.
Le social sacrifié sur l’autel de la « grandeur gaulienne » ?
Derrière les grands travaux et les réussites industrielles, le modèle gaullien laisse des fissures. Les régions rurales peinent à profiter de cette dynamique. L’écart se creuse entre grandes métropoles modernisées et campagnes marginalisées. La vision volontariste de De Gaulle, parfois jugée autoritaire, génère des résistances. Son projet de participation, pourtant ambitieux, reste embryonnaire. Pendant ce temps, les grèves se multiplient. Et tout n’est pas couronné de succès.
La destruction des Halles à Paris, par exemple, reste un symbole d’une planification déconnectée des réalités locales. Sa volonté de tout centraliser a laissé certains acteurs – et certaines régions – sur le bord de la route. En transformant la France à marche forcée, Charles de Gaulle a légué un pays modernisé, mais également plus divisé. La politique économique gaullienne laisse une question en suspens : jusqu’où doit-on aller pour moderniser une économie sans négliger son tissu social ?