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La deeptech bretonne Cailabs vient de franchir un cap. Spécialisée dans les communications laser par satellite, l’entreprise rennaise annonce une levée de fonds de 57 millions d’euros. Objectif : changer d’échelle. Avec 120 salariés au compteur, elle s’apprête à passer à la vitesse industrielle, dans un marché mondial en ébullition.
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Le marché des communications laser par satellite n’en est qu’à ses débuts, mais la promesse est claire. Estimé à près de 934 millions de dollars cette année, il pourrait dépasser les 19 milliards en 2034. Une croissance annuelle qui oscille entre 38 % et 45 %. Suffisamment pour aiguiser l’appétit des investisseurs et valider, rétrospectivement, l’orientation stratégique prise par Cailabs dès 2019.
Un signal fort
Dans le détail, le tour de table réunit 37 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI), complétés par 20 millions provenant de Definvest (le fonds du ministère des Armées), NewSpace Capital, l’EIC, Starquest Capital et le Crédit Agricole Ille-et-Vilaine Expansion. Une opération qui ne s’improvise pas et qui envoie un message clair : les fondamentaux sont solides, et la vision séduit.
Cailabs a vu son chiffre d’affaires bondir de 80 % en 2024, dont 70 % à l’international. En 2025, ce chiffre devrait grimper à 80 %. États-Unis, Europe, Asie (hors Chine), Moyen-Orient : la start-up bretonne est désormais un acteur mondial. Mais pour tenir le rythme, il faut produire. Beaucoup, et vite.
D’ici 2027, Cailabs prévoit d’assembler jusqu’à 50 stations optiques terrestres par an – contre une dizaine aujourd’hui. Une nouvelle plateforme industrielle a été lancée : elle permet d’assembler et tester simultanément cinq stations. En parallèle, une nouvelle génération de stations transportables est en cours de déploiement, avec des débits qui franchissent la barre des 100 Gbit/s. Dix fois plus que les modèles précédents.
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Des démonstrations technologiques qui font mouche
Depuis sa création en 2013, Cailabs a empilé les réussites techniques. En mai 2025, une liaison laser réussie avec le satellite norvégien NorSat-TD depuis l’Australie. L’année précédente, une première mondiale : une liaison stable de plusieurs minutes avec le nanosatellite Keraunos, opéré avec Unseenlabs. Montant de l’opération : 5,5 millions d’euros, financés par l’Agence de l’innovation de défense.
Cailabs ne joue pas dans la cour des grands : elle leur tient tête. Sa technologie MPLC (Multi-Plane Light Conversion) permet de corriger passivement les turbulences atmosphériques, là où d’autres misent sur l’optique adaptative. Résultat : une robustesse inégalée. De quoi affronter des acteurs comme Mynaric AG, Ball Corporation ou Laser Light Communications.
Cailabs ne cache pas ses ambitions aux États-Unis. La filiale américaine a déménagé en août 2025 de Washington D.C. à Arlington (Virginie), plus près des marchés sensibles de la défense. Là aussi, la demande explose, tirée par des besoins de débits gigabit sur des liaisons ultra-sécurisées.
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L’Europe et l’Asie en soutien
La société ne mise pas tout sur l’Amérique. En Europe, elle pilote avec l’Agence spatiale européenne le programme Obs2OGS, pour transformer trois observatoires grecs en stations optiques. Elle collabore aussi avec Astrolight et la Swedish Space Corporation. Deux stations sont déjà en service : l’une en Corée (Contec), l’autre en Suède (SSC). D’autres suivront.
Cailabs garde les pieds sur terre… en Bretagne. Son siège social, dans la zone des Chevrons à Rennes, s’agrandit de 1 500 m², en plus des 3 500 déjà existants. Les travaux sont pilotés par Lamotte et Mazureau. Et un terrain voisin a été préempté pour anticiper les futurs besoins. Parmi les 120 collaborateurs, 32 sont titulaires d’un doctorat. La matière grise est locale.
Au-delà de la performance technologique, le message est politique. Soutenue par InvestEU, la levée de fonds s’inscrit dans la volonté européenne de sécuriser ses technologies critiques. Cailabs fait partie des rares entreprises françaises à pouvoir rivaliser dans le New Space. Elle incarne cette volonté de souveraineté technologique face à une compétition mondiale de plus en plus tendue.