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Fondée en 2016 par Victoria Mandefield, ingénieure diplômée de l’ECE Paris et d’Audencia, Solinum incarne un modèle émergent au croisement du monde associatif et de l’innovation technologique. En quelques années, cette structure à but non lucratif s’est imposée comme un acteur central de la transformation numérique de l’action sociale en France, grâce à une approche méthodologique empruntée à l’univers des start-up. Avec pour mission de lutter efficacement contre la pauvreté, Solinum allie impact social, rigueur technologique et ancrage territorial.
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Des maraudes étudiantes à la naissance d’une vision sociale
L’idée de Solinum prend racine dans une expérience de terrain. Pendant ses études d’ingénieure, Victoria Mandefield participe à des maraudes auprès de personnes sans-abri. Elle y découvre une problématique largement sous-estimée : la difficulté à orienter les personnes vers les bonnes structures d’aide, faute d’une information fiable, centralisée et à jour. Ce constat alimente une conviction fondatrice : l’accès à l’information sociale est un levier clé dans la lutte contre l’exclusion.
Solinum adopte un modèle associatif classique (loi 1901), tout en intégrant des méthodes issues de l’univers entrepreneurial : développement agile, expérimentation, mesure d’impact. Cette posture hybride lui permet d’allier la souplesse d’une start-up à l’engagement d’une structure de l’économie sociale et solidaire. Sa mission, résolument ambitieuse, est formulée clairement : « Innover ensemble pour lutter efficacement contre la pauvreté ».
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Soliguide, la plateforme qui centralise l’information sociale
Le principal outil développé par Solinum, Soliguide, répond directement au besoin initial identifié sur le terrain. Il s’agit d’une cartographie numérique de l’action sociale en France, disponible sur le web, en application mobile, via un chat en ligne, et même en version imprimable. La plateforme recense aujourd’hui plus de 98 000 services solidaires à travers le pays. En 2024, elle enregistre plus de 3,7 millions de recherches annuelles, soit une croissance de 95 % par rapport à 2022.
L’outil a connu un déploiement rapide : de sept départements couverts en 2019, Soliguide est passé à plus de quarante territoires en 2024. L’objectif est d’atteindre une couverture nationale complète d’ici 2026.
Soliguide s’est imposé comme un outil particulièrement précieux en période de tension pour le secteur social. Durant l’été 2024, Solinum a documenté que 37 % des services de l’action sociale ont fermé au moins un jour, contre 28 % en hiver. Dans ce contexte, l’accès à une information actualisée en temps réel devient une nécessité opérationnelle pour les professionnels de terrain comme pour les publics en situation de précarité.
Une approche inclusive
L’inclusivité est au cœur de la conception de Soliguide. La plateforme est traduite en dix langues, parmi lesquelles l’arabe, le pachtoune, le persan ou encore l’ukrainien. En 2022, plus de 178 000 recherches ont été effectuées avec le filtre de traduction. En complément, un chat multilingue a été mis en place, permettant des échanges avec des intervenants sociaux formés à réaliser des pré-diagnostics sociaux. L’outil numérique devient ainsi un vecteur de mise en relation humaine, loin de toute automatisation déshumanisante.
Solinum a également conduit entre 2018 et 2022 un projet d’hébergement citoyen baptisé « Merci pour l’Invit’ ». Le principe : mettre en relation des particuliers disposant d’une chambre libre avec des femmes sans-abri, orientées par des travailleurs sociaux. Ce modèle, aujourd’hui clos, a permis à plusieurs dizaines de femmes d’être mises à l’abri dans des conditions dignes, avec un accompagnement global : kit de bienvenue, suivi psychologique, orientation vers des dispositifs de réinsertion. Une boîte à outils méthodologique a été développée à l’issue de l’expérimentation, mise gratuitement à disposition d’autres structures souhaitant reproduire le modèle.
Financement public et partenariats
Le modèle économique de Solinum repose principalement sur des financements publics. En 2022, l’association disposait d’un budget de 1,7 million d’euros. Parmi ses partenaires figurent les conseils départementaux, les centres communaux d’action sociale (CCAS), les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS), ainsi que plusieurs fondations privées mobilisées sur les projets d’innovation. Solinum bénéficie également d’un financement européen significatif dans le cadre du projet Solidigital, doté de 1,571 million d’euros sur trois ans. Ce programme permet un déploiement transfrontalier en Espagne et en Andorre.
Pour accompagner sa croissance tout en respectant les spécificités locales, Solinum a mis en place un modèle de franchisation associative. Ce dispositif permet à des structures locales de déployer Soliguide sur leur territoire, tout en bénéficiant d’un accompagnement de la structure nationale. En 2024, sept franchisés sont déjà actifs. Ce choix stratégique vise à préserver l’ancrage local et l’adaptation aux réalités de terrain, tout en accélérant le déploiement national.
Gérer la croissance sans perdre le lien avec le terrain
Avec une équipe de 44 salariés, Solinum doit aujourd’hui relever les défis classiques du changement d’échelle. Parmi eux : le maintien de la qualité des données, l’harmonisation des pratiques entre territoires, et la préservation d’un lien fort avec les acteurs de terrain. L’association développe également des outils d’analyse comme Solidata, qui permet d’identifier les « zones blanches » de l’aide alimentaire, afin d’orienter les politiques publiques de manière plus fine.


