Sans tapage, Aroma-Zone s’impose comme un géant du soin naturel en France. Sa recette ? Une croissance raisonnée, une stratégie à contre-courant des codes du secteur, et une exécution millimétrée. Là où d’autres misent sur le matraquage publicitaire, la marque provençale préfère écouter ses clients, ajuster son offre en temps réel, et avancer avec méthode. Une réussite fondée sur l’usage, pas sur le storytelling.
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Une croissance soutenue
Créée au début des années 2000, Aroma-Zone s’est d’abord spécialisée dans les huiles essentielles et les cosmétiques à faire soi-même. Elle emploie aujourd’hui 550 salariés et prévoit 400 recrutements supplémentaires d’ici fin 2025. Son chiffre d’affaires progresse fortement : +42 % en 2023, +56 % en 2024, et +70 % sur les cinq premiers mois de 2025. Face à cette dynamique, la direction a choisi de renforcer ses structures internes – ressources humaines, systèmes, logistique – sans accélération brutale.
Le cœur du modèle repose sur l’analyse fine des usages. L’entreprise collecte les retours de ses clients via les réseaux sociaux, les avis en ligne, les échanges en magasin ou encore les enquêtes ciblées. Cette matière première est ensuite traitée par une équipe dédiée, avec l’appui d’outils d’analyse de données et d’intelligence artificielle. Chaque lancement est adossé à une demande identifiée. Pas de stimulation artificielle. Pas de communication de masse.
Cette méthode s’incarne dans un catalogue qui évolue par ajustement constant : 50 produits ajoutés chaque année, autant retirés. La gamme compte 1 600 références, couvrant aujourd’hui les soins dermocosmétiques, l’hygiène, la nutrition, les capillaires ou la parfumerie naturelle. Le profil des clients s’élargit : 25 % sont des hommes, et la clientèle se diversifie sur l’ensemble des tranches d’âge.
Sobriété et efficacité
Les produits à faire soi-même, fondateurs de l’entreprise, représentent désormais moins de 10 % des ventes. Mais ils restent un élément structurant de l’identité de marque. L’ambition actuelle est plus large : proposer une alternative naturelle à grande échelle, sans renier les principes de départ.
Le canal de distribution a évolué. Historiquement 100 % en ligne, il s’est élargi au commerce physique. Aroma-Zone comptait quatre magasins en 2021 ; elle en exploite aujourd’hui vingt-sept. D’autres ouvertures sont prévues à Lyon, Anglet, Angers, Marseille et Carré Sénart. Ces points de vente ne sont pas considérés comme de simples relais commerciaux : ils sont pensés comme des lieux de conseil, d’échange et de test produit.
En parallèle, la plateforme en ligne continue de croître, avec 3,2 millions de colis envoyés en 2024. L’entreprise entame son internationalisation. Le site a été traduit en anglais, et une première implantation à Londres est prévue d’ici fin 2025. Jusqu’ici, 15 % des ventes à l’étranger provenaient du site français. L’Italie, déjà dotée d’une version localisée du site, pourrait suivre avec une boutique physique.
Un nouveau laboratoire R&D de 170 m² a été installé à Cabrières-d’Avignon pour accompagner cette ouverture. Mais l’expansion reste contenue à l’Europe continentale. L’entreprise refuse de multiplier les fronts. Elle privilégie une montée en charge progressive, avec des équipes consolidées et une attention particulière à la qualité des produits.
Des ambitions européennes
Ce modèle n’est pas exempt de contraintes. Certaines matières premières, comme l’huile de Cacay, se raréfient, provoquant des ruptures ponctuelles. L’entreprise communique ouvertement sur ces tensions et explore de nouvelles filières, y compris via la chimie verte, sans céder sur les standards de qualité.
Aroma-Zone maintient un modèle économique sobre. Les prix sont contenus grâce à un circuit court, sans intermédiaires, sans packaging haut de gamme, et sans publicité conventionnelle. La communication repose sur les recommandations, les réseaux sociaux et des prescripteurs issus du monde médical ou scientifique.
Depuis l’entrée d’Eurazeo au capital en 2021, avec un investissement de 414 millions d’euros, l’entreprise n’a pas modifié sa trajectoire. Elle affiche un taux de fidélisation de 60 % pour trois millions de clients actifs. Sa notoriété reste encore limitée (50 %), ce qui laisse une marge de progression.
L’objectif est clair : continuer à proposer des produits simples, efficaces et abordables, tout en structurant un acteur européen du soin naturel. L’approche est prudente, mais la direction assume ce tempo long, comme gage de viabilité.