Le groupe Nissan au bord de la faillite

Vingt-cinq ans après son sauvetage par Renault, le constructeur japonais se retrouve de nouveau à la limite de la faillite, étranglé par une perte historique de 4,1 milliards d’euros et un endettement colossal.

Le constructeur japonais Nissan a dévoilé, mardi 13 mai, une perte nette historique de 670,9 milliards de yens (4,1 milliards d’euros) pour l’exercice clos fin mars 2025. Cette perte dépasse les pires performances enregistrées depuis le sauvetage opéré par Renault en 1999. En conséquence, Nissan a annoncé la suppression du versement de dividendes pour les exercices 2024 et 2025, ainsi qu’un plan de restructuration drastique.

La situation fait douloureusement écho à la crise de 1999, lorsque Renault avait pris une participation dans Nissan pour l’empêcher de sombrer. À l’époque, Carlos Ghosn, dépêché par Renault, avait réussi à redresser le groupe en quelques années. Mais l’annonce du 13 mai ravive les craintes d’un nouvel effondrement. L’action Nissan, tombée à 357 yens (2,20 euros), se rapproche de son niveau de 1999, signe d’une défiance profonde des marchés.

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Une situation financière critique

La perte colossale annoncée est le symptôme de difficultés structurelles majeures. Nissan paie aujourd’hui des coûts élevés liés à des tentatives de redressement déjà engagées, sans résultats probants. Le groupe fait face à une érosion inquiétante de ses ventes sur ses marchés clés, notamment aux États-Unis et en Chine, où il est devancé par des concurrents plus agiles comme BYD.

La gamme de modèles vieillissante et l’absence de véritables succès dans le segment du véhicule électrique pénalisent lourdement le constructeur, alors que la concurrence se renforce sur tous les marchés. Nissan manque notamment de modèles hybrides aux États-Unis, un segment en forte croissance.

Lourdement endetté, Nissan doit faire face à des échéances de remboursement de 1,4 milliard d’euros cette année, et à 5,6 milliards d’euros d’ici 2026, selon Bloomberg. Une situation qui a déjà poussé les agences de notation, dont Moody’s, à classer Nissan en catégorie spéculative. Selon des sources proches du dossier, la banque Mizuho, l’un de ses principaux créanciers, aurait même tenté de favoriser un rapprochement avec Honda, avant l’abandon du projet en février dernier.

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Le plan de survie radical

Face à l’urgence, une nouvelle équipe dirigeante a été nommée début avril, sous la direction d’Ivan Espinosa, 46 ans, un ingénieur mexicain. Entouré d’un comité resserré, il a annoncé une série de mesures de grande ampleur pour tenter de sauver l’entreprise. « Cette perte est un électrochoc. Nous devons tout revoir pour survivre », a-t-il déclaré.

Le plan prévoit notamment la suppression de 20 000 emplois d’ici 2027, soit 15 % des effectifs mondiaux, contre 9 000 envisagés jusqu’ici. Un plan de départs anticipés est déjà en cours au Japon. Mais certains analystes estiment que ces coupes pourraient encore s’intensifier.

Le groupe prévoit également de fermer sept de ses dix-sept sites industriels, notamment en Thaïlande, en Argentine et en Inde. Les capacités de production seront réduites pour mieux correspondre à la demande réelle, qui plafonne à 3,35 millions de véhicules contre une capacité de plus de 5 millions. Nissan prévoit par ailleurs de réduire ses plateformes de production de 13 à 7 d’ici 2035 et a annulé plusieurs projets majeurs, dont la construction d’une usine de batteries au Japon et un investissement dans Ampere, la filiale électrique de Renault. L’objectif est de réaliser 500 milliards de yens d’économies.

Des marchés hostiles et des alliances manquées

La situation est d’autant plus complexe que Nissan évolue dans un environnement international particulièrement instable. La guerre commerciale relancée par l’administration Trump pèse lourdement sur ses résultats. L’instauration de droits de douane de 25 % sur les véhicules et composants importés depuis le Japon pourrait coûter jusqu’à 2,7 milliards d’euros au groupe sur l’exercice en cours. Nissan estime qu’il pourrait limiter l’impact de 30 %, mais reconnaît que, sans ces taxes, il aurait pu viser un retour aux bénéfices dès l’an prochain.

Pour limiter les dégâts, Nissan prévoit de relocaliser une partie de sa production aux États-Unis et au Mexique. Mais le retard accumulé dans les véhicules hybrides continue de pénaliser ses ventes sur ce marché stratégique.

En Chine, Nissan a perdu du terrain face aux acteurs locaux et peine à se relancer. Au Japon, il mise sur les « kei cars », les petites voitures citadines, pour redresser la barre. L’échec des négociations avec Honda prive toutefois Nissan d’un allié qui aurait pu l’aider à combler son retard technologique dans l’électrique.

Renault : une alliance vidée de sa substance

La situation de Nissan pèse également sur son ancien sauveur, Renault. Le constructeur français a enregistré une perte de 2,2 milliards d’euros liée à Nissan au premier trimestre 2025. Les liens entre les deux groupes se sont distendus, chacun reprenant son autonomie stratégique. Renault a réduit sa participation dans Nissan, tombée de 43 % à 36 %, voire 35 % selon certaines sources. Une clause permet encore de descendre jusqu’à 15 % des droits de vote croisés.

Renault peine à valoriser cette participation, inscrite dans ses comptes à un prix bien supérieur à la valeur actuelle de l’action Nissan. Chaque cession entraîne une perte comptable qui pèse sur les résultats. Néanmoins, Renault a assuré que cela n’aurait pas d’impact sur ses dividendes.

Malgré leur éloignement, les deux groupes poursuivent quelques projets communs, comme la production par Renault de la future Micra électrique pour Nissan en Europe. Mais Luca de Meo, patron de Renault, semble désormais tourner ses priorités vers son partenariat avec le chinois Geely.

Une année à quitte ou double

Ivan Espinosa a prévenu : l’année en cours sera celle des décisions vitales. Le groupe vise un retour à l’équilibre avec une production de 3,5 millions de véhicules, tout en poursuivant la réduction de ses coûts fixes. Malgré les pertes affichées, certains analystes saluent une légère amélioration de la trésorerie.

Mais Nissan refuse pour l’heure de publier des prévisions de bénéfices pour l’exercice 2025-2026, signe d’une incertitude totale face à la conjoncture mondiale, notamment aux risques liés aux barrières douanières américaines.


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