Mon manager est un pervers narcissique

Diplômée d’une grande école, Juliette M. pensait débuter sa carrière sous les meilleurs auspices en intégrant un cabinet de conseil prestigieux en région parisienne. Très vite pourtant, son quotidien a viré au cauchemar. « Quand je suis arrivée, il m’a immédiatement mise en avant devant l’équipe, me couvrant d’éloges. Mais progressivement, il a commencé à critiquer chacun de mes choix, à remettre en cause mes compétences, à m’isoler lors des réunions importantes. J’avais l’impression d’être invisible, tout en étant constamment surveillée. Petit à petit, je me suis sentie vidée, incapable de reconnaître la personne que j’étais devenue. »

Comme Juliette, de nombreux salariés sont confrontés à un type de harcèlement encore largement méconnu : celui exercé par des managers au profil pervers narcissique.

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Qui sont les pervers narcissiques en entreprise ?

Le pervers narcissique souffre d’un trouble de la personnalité marqué par une manipulation systématique, un besoin insatiable d’admiration et une absence totale d’empathie. S’ils séduisent aisément leur entourage par leur charisme apparent, leur objectif principal demeure la domination et l’exploitation des autres.

Leurs traits caractéristiques sont reconnaissables :

  • Manque d’empathie : incapacité à se soucier réellement des autres.
  • Quête d’admiration : besoin constant de reconnaissance et de valorisation.
  • Sentiment de supériorité : conviction d’être unique et au-dessus des règles communes.
  • Exploitation interpersonnelle : instrumentalisation froide des collègues pour satisfaire leurs propres intérêts.

Comment opèrent-ils ? Les mécanismes de la manipulation

La stratégie du pervers narcissique repose sur des techniques psychologiques sophistiquées, qui s’installent insidieusement.

  • Gaslighting organisationnel
    Ils manipulent la perception de la réalité, niant des faits évidents, déformant les propos, instaurant le doute dans l’esprit de leurs victimes.
  • Alternance valorisation/dévalorisation
    Ils séduisent d’abord, pour mieux fragiliser ensuite : confidences utilisées contre la victime, critiques publiques humiliantes.
  • Isolement et division
    Ils instaurent des rivalités au sein des équipes, excluent volontairement les cibles de réunions ou d’informations stratégiques.
  • Attribution des mérites et rejet des fautes
    Ils s’approprient les succès collectifs et rejettent la responsabilité des échecs sur les autres, sans jamais assumer leurs erreurs.

Le coût humain et économique de ces comportements

Les conséquences de ce management toxique sont lourdes.

  • Pour les employés : anxiété, perte d’estime de soi, troubles du sommeil, burn-out, voire dépressions sévères ou idées suicidaires dans les cas extrêmes.
  • Pour l’entreprise : désorganisation, chute de productivité, augmentation de l’absentéisme et du turnover, multiplication des conflits et procédures judiciaires.

La justice française reconnaît aujourd’hui que le harcèlement moral peut être imputé à un manager, même si l’employeur tente de corriger la situation après coup.

Pourquoi ces profils prolifèrent-ils ?

Plusieurs facteurs favorisent l’émergence de ces comportements pathologiques dans le monde professionnel.

  • Une culture du résultat extrême
    Des environnements hiérarchiques rigides, une obsession des objectifs chiffrés au détriment du bien-être humain, associés à une faible formation managériale, offrent un terrain propice aux abus.
  • Une société narcissique
    La normalisation du mensonge, de la compétition à outrance, et du double discours dans le monde du travail renforce la présence de personnalités toxiques.
  • Des origines personnelles
    Des recherches en psychologie soulignent que des vécus d’enfance marqués par la négligence ou l’excès parental peuvent contribuer au développement de personnalités narcissiques pathologiques.

Comment se protéger d’un manager pervers narcissique ?

Face à un manager toxique, plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre :

  • Cumuler les preuves : conserver des traces écrites des instructions, envoyer systématiquement des comptes rendus de réunion, archiver les mails et messages.
  • Adopter une attitude neutre et factuelle : éviter les réactions émotionnelles, demander des clarifications écrites.
  • Chercher du soutien : se rapprocher des ressources humaines, solliciter l’aide d’un syndicat, consulter un avocat ou un psychologue spécialisé.
  • Former et sensibiliser : les entreprises doivent instaurer une culture de la bienveillance, former les managers à la communication empathique et à l’écoute active.
  • Envisager le départ : si la situation devient intenable et que la santé est en jeu, quitter l’entreprise peut être la meilleure solution pour se reconstruire.

Les profils pervers narcissiques ne sont pas inéluctables. En reconnaissant leurs mécanismes, en renforçant les systèmes de prévention et en valorisant un management respectueux et bienveillant, il est possible de construire des environnements de travail sains, où chacun peut s’épanouir sans peur ni manipulation.


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