Le panorama est sombre. Chaque année, l’absentéisme engloutit entre 100 et 130 milliards d’euros, selon le Baromètre Ayming 2023. Depuis 2019, l’absentéisme de longue durée a bondi de 30 %. Le turnover dépasse désormais les 20 % dans certains secteurs comme les services, où les démissions s’enchaînent. Le désengagement ? Une lame de fond : 40 % des jeunes actifs se sentent déconnectés de leur travail (étude Gallup, 2024). Ces chiffres, brutaux, tracent une ligne rouge que ni les PME ni les grands groupes ne peuvent plus ignorer.
Le care management, une révolution douce
Derrière ce concept, une philosophie limpide : des salariés heureux performent mieux. Benoît Meyronin, professeur à Grenoble École Management, résume : « Prendre soin des équipes pour qu’elles prennent soin des clients. » Une formule qui résonne comme une évidence, mais dont l’application transforme radicalement les pratiques managériales.
Le care management peut être défini comme une approche managériale qui place l’humain au centre des préoccupations de l’entreprise. Concrètement, il repose sur trois dimensions clés :
- Self-care : encourager les employés à cultiver leur équilibre physique et émotionnel.
- Team care : insuffler un esprit d’équipe où chacun se sent inclus et valorisé.
- Planet care : sensibiliser les équipes aux responsabilités environnementales pour donner un sens élargi à leur travail.
Antithèse du management vertical et désincarné, cette philosophie, inspirée des travaux de la psychologue Carol Gilligan dans les années 1980, redessine les contours de l’entreprise moderne. Prendre soin devient un levier de performance, et non une simple question de bienveillance.
Des résultats probants
Certaines entreprises pionnières n’ont pas attendu pour expérimenter cette approche. Axa propose un soutien psychologique à ses salariés. Saint-Gobain a mis en place une protection sociale interne. Quant aux PME et ETI, elles appliquent souvent, par leur nature même, les principes du care management.
Les résultats de ces initiatives sont frappants :
- Une étude de Kim Cameron et Carlos Mora a démontré que le care management booste la productivité de 31 %, augmente la créativité de 55 % et réduit l’absentéisme par six.
- Un rapport McKinsey de 2022 souligne que les entreprises bienveillantes affichent des performances financières supérieures de 15 %.
- Les initiatives inclusives et bienveillantes d’Accenture ont permis une augmentation de 34 % de la satisfaction des collaborateurs et une forte réduction du turnover.
Ces chiffres ne se contentent pas d’impressionner. Ils changent la donne : moins de burn-out, moins de démissions et une dynamique de travail enfin apaisée.
Les défis de la mise en place
Adopter le care management n’est pas un long fleuve tranquille. Plusieurs obstacles freinent encore sa généralisation.
- La culture de la performance à court terme pousse trop souvent les entreprises à négliger l’humain au profit de résultats immédiats.
- Le scepticisme des dirigeants, qui perçoivent cette approche comme déconnectée des exigences économiques, reste un frein majeur.
- La peur du changement est partagée par les managers comme par les collaborateurs, qui hésitent à sortir de leurs schémas habituels.
Pour surmonter ces résistances, la formation des managers est cruciale. Il s’agit de leur donner les outils pour comprendre et gérer les charges émotionnelles, cognitives et relationnelles, tout en cultivant un environnement de travail optimisé et humain.
Le care management : une transformation stratégique
Plus qu’une tendance managériale, le care management incarne un véritable levier de transformation. Ses bénéfices vont bien au-delà de l’engagement individuel :
- Développer un leadership conscient.
- Fédérer les collaborateurs autour de valeurs humaines fortes.
- Préserver la santé mentale et physique des équipes.
- Renforcer la performance opérationnelle et sociale.
- Améliorer l’image de marque de l’entreprise et attirer de nouveaux talents.
Selon Xerfi, le marché du care management en France devrait doubler d’ici 2026, atteignant 230 millions d’euros. Une évolution qui reflète un besoin croissant de solutions humaines pour répondre aux défis économiques et sociaux de notre époque.