Séisme à Lyon. L’Olympique Lyonnais est officiellement relégué en Ligue 2, décision choc prise ce mardi par la DNCG, le gendarme financier du football français. Malgré une audition cruciale du président John Textor et de Mickael Gerlinger, directeur du football, l’instance a confirmé la sanction administrative prononcée initialement le 15 novembre.
Le club rhodanien, l’un des piliers historiques de l’élite, voit ainsi sa chute scellée… du moins provisoirement. L’OL conserve la possibilité de faire appel, mais le coup est rude pour une institution huit fois championne de France. Une onde de choc qui dépasse largement les frontières du Rhône.
Retour en arrière : l’arrivée de Textor
Le 19 décembre 2022 restera comme une date charnière dans l’histoire du football français. Ce jour-là, l’Olympique Lyonnais, institution centenaire et club phare de la Ligue 1, passe sous pavillon américain. Jean-Michel Aulas, figure tutélaire du club depuis 1987, cède la main à John Textor, entrepreneur venu de Floride. Montant de l’opération : près de 800 millions d’euros. Ce rachat, finalisé au terme d’une OPA estivale, propulse Eagle Football à la tête de 87,8 % du capital de l’OL. Plus qu’un changement de gouvernance, c’est une bascule d’époque.
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Derrière cette prise de contrôle, un homme aux allures de personnage de roman économique. Né en 1965, John Textor grandit entre deux cultures, française et américaine. Ancien skateur professionnel, il voit sa carrière brisée par une blessure, bifurque vers l’université, puis trace sa route dans la tech et le divertissement. À la tête de Digital Domain, il produit les effets spéciaux de L’Étrange Histoire de Benjamin Button. Avec Pulse Evolution, il ressuscite Michael Jackson en hologramme. Il investit dans le streaming sportif (FuboTV), s’essaie à l’intelligence artificielle (Evolution AI). Un CV aussi long qu’un jour sans match.
S’il affirme : « J’ai fait de grandes choses pour le business de l’OL, mais ça ne compte pas si l’équipe ne gagne pas », il sait aussi que dans le football, la vérité ne sort pas toujours du terrain. Elle sort des bilans.
La multipropriété comme modèle
Textor ne se contente pas de Lyon. Il tisse une stratégie de multipropriété, façon City Football Group. Crystal Palace (Angleterre), Botafogo (Brésil), RWD Molenbeek (Belgique) et désormais l’OL forment une constellation de clubs où circulent joueurs, idées, et valorisations. Une logique « d’actifs liquides » plus que de racines territoriales. Il l’explique sans détour : « Ce groupe a une mission mondiale, qui permet des échanges d’actifs dans toutes les directions ».
Mais en France, le modèle interroge. Les supporters lyonnais brandissent une banderole sans équivoque : « La multipropriété, ça cartonne ou ça tue le football ? ». La DNCG, gendarme financier du foot hexagonal, impose un encadrement strict de la masse salariale dès la saison 2023-2024.
Une gouvernance inspirée des codes du business américain
Textor ne fait pas dans la diplomatie à la française. Il écarte Pierre Sage : « Un homme parfait pour ce chapitre, mais nous avons besoin de plus d’expérience », et nomme Paulo Fonseca à la tête de l’équipe. Il restructure l’organigramme, affiche une ambition claire, mais s’adresse aux instances avec une franchise qui détonne : « Je suis confiant dans nos chiffres, mais je ne suis jamais confiant dans la manière dont un régulateur les lit ».
Le mercato suit cette logique : un recrutement ambitieux (Moussa Niakhaté pour 32 millions), des ventes ciblées (OL Reign, Arena), et un refinancement massif de 385 millions d’euros, dont 320 à 5,83 % sur vingt ans. La charge annuelle de dette dépasse désormais 30 millions d’euros – un niveau inédit pour le club. Le déficit net, lui, se réduit : -25,7 millions au 30 juin 2024, contre -99 un an plus tôt. Un progrès obtenu au prix de nombreuses cessions d’actifs.
Textor parie sur un désengagement progressif de Crystal Palace pour réinjecter des liquidités à Lyon. En attendant, la pression reste forte.
Le président de l’OL digitalise le club, modernise les infrastructures, multiplie les promesses de transformation. Mais sa présence bouscule. Diagnostiqué TDAH, il se décrit comme un dirigeant passionné, pragmatique, et volontiers intrusif : « Je veux vraiment comprendre avec une discussion ouverte… nous voulons travailler collectivement avec beaucoup de scouts ». Il descend parfois au vestiaire pour motiver les joueurs. Il parle de magie, mais agit en CEO.
Ligue 2
Malgré ses effets de manche et son management made in USA, l’OL de Textor affiche une dette de 505,1 millions. La DNCG a décidé d’arrêter les frais.
Il y a quelques mois, Textor clamait à qui voulait l’entendre : « Nos objectifs sont de gagner, de battre le PSG ». Et il entend bien imposer sa vision, quitte à se faire quelques ennemis en chemin.