Il y a d’abord les chiffres, froids et implacables. Selon un baromètre ISC Paris–BVA Xsight publié dans Les Échos, près d’un jeune sur deux, chez les 18-24 ans, place désormais l’équilibre vie pro/vie perso au sommet de ses priorités. Rien de bien surprenant : une génération qui a grandi dans un monde d’incertitudes aspire à plus de contrôle, plus de sens, plus de confort aussi.
Des attentes claires envers le monde du travail
Flexibilité, télétravail, reconnaissance : les attentes sont claires, presque rationnelles. Et dans leur esprit, la performance d’une entreprise passe par le bien-être de ses salariés. À leurs yeux, un bon environnement de travail vaut bien quelques points de productivité. Un manager qui écoute, un cadre de travail agréable, du feedback bienveillant : tout cela pèserait plus lourd que la fiche de paie.
Mais voilà : la réalité économique, elle, ne se plie pas toujours aux désirs d’une génération. Le télétravail, plébiscité hier, est aujourd’hui dans le viseur de nombreuses directions. Pas forcément par nostalgie du présentiel ou pour surveiller les troupes – mais parce que les équipes dispersées finissent par s’éloigner de l’élan collectif. Alors, à bas bruit, les entreprises réinstallent leurs salariés dans les open spaces.
Leadership : la remise en question du modèle bienveillant
Dans le même temps, un autre glissement s’opère : celui du leadership. Pendant des années, on a promu l’écoute, l’empathie, les fameuses soft skills. Mais une question commence à poindre : peut-on vraiment diriger sans jamais heurter ? Peut-on construire la performance sans exigence claire ?
Kim Scott, ancienne de Princeton et de Harvard, ne mâche pas ses mots. Dans son ouvrage Radical Candor, elle fustige cette « bienveillance toxique » qui empêche de dire les choses, de recadrer, de grandir. Pour elle, le vrai respect, c’est d’oser dire : voici ce qui ne va pas. Même si ça pique.
Un nouveau modèle de leadership à inventer
Le management moderne, s’il veut rester efficace, doit retrouver une boussole. Trop de douceur et le cap se perd. Trop de rigidité, et c’est l’équipage qui saute par-dessus bord. La difficulté, bien sûr, c’est de tenir la ligne de crête : entre autorité et empathie, entre ambition et attention.
Le leadership, aujourd’hui, ne peut plus être univoque. Il doit épouser les formes du réel, s’ajuster aux contours mouvants d’un monde qui change. Et surtout, résister à la tentation du confort, pour les managers comme pour les managés. Car si le bien-être est nécessaire, il ne remplacera jamais l’exigence.