C’était écrit. Quand une application concentre plus d’une heure et demie d’attention par jour chez 25 millions de Français, elle devient naturellement un canal de vente. TikTok officialise le lancement de sa plateforme d’e-commerce intégré, TikTok Shop, en France, mais aussi en Allemagne et en Italie, à partir du 31 mars 2025. Après avoir testé l’outil en Espagne et en Irlande, le réseau social chinois passe à la vitesse supérieure : la fonctionnalité est désormais active dans quinze pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et, bien sûr, la Chine, son berceau d’origine.
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Le commerce glissé dans la distraction
Le principe est simple, presque évident. Vous regardez une vidéo de live shopping, un influenceur en train de vanter un produit, et sans quitter l’application, vous pouvez cliquer, acheter, et retourner à votre fil de contenu. C’est une logique de fluidité, d’immédiateté – une immersion continue où l’achat s’intègre à l’expérience sociale et visuelle. Un bouton d’achat direct apparaît, la vidéo est estampillée « commission payée » : l’économie de l’attention se greffe à celle de l’impulsion.
TikTok assure encadrer son activité e-commerce. Pour vendre, il faut avoir au moins 1.000 abonnés, être affilié, respecter les règles communautaires. Un filtre fort souple. L’objectif est clair : attirer les créateurs tout en rassurant les utilisateurs.
Un nouvel étal, au milieu des stories
La version française du Shop comprend un onglet « Boutique », placé en bas de l’écran – une sorte de centre commercial miniature, format smartphone. Chaque marque peut y déployer son univers, à la manière d’une vitrine sur une marketplace classique. Mais ici, pas de longues descriptions ni de photos figées : le commerce devient contenu, l’achat naît de l’algorithme, du « discovery commerce » comme l’appelle TikTok, ce commerce de la découverte, qui repose sur l’engagement communautaire et la personnalisation des parcours.
Pour le lancement, plusieurs marques françaises ont été séduites : Cabaïa, IZIPIZI, Cherico, The Bradery… TikTok leur propose une solution complète : paiement, logistique, suivi de commandes. Le vendeur, lui, doit être immatriculé au registre du commerce. La commission ? Officiellement, pas de chiffre. Mais selon la presse spécialisée, elle s’élèveraitentre 8% et 10%.
Un réflexe générationnel
Le terrain est favorable. Une étude Adobe de 2024 révèle que 64 % des jeunes utilisateurs de TikTok utilisent l’application comme moteur de recherche – pour des recettes, des conseils mode, des avis produits. L’interface ludique a supplanté la page blanche de Google. Mais attention : TikTok affirme que les mineurs ne pourront pas acheter, selon l’âge renseigné à l’inscription. Une précaution réglementaire… qui reste à tester dans les faits.
Les chiffres donnent le vertige : selon Statista, le social commerce pourrait franchir la barre des 1.000 milliards de dollars en 2028, tiré par la Chine, toujours en avance. En Europe, la croissance attendue est de 77 %, pour atteindre 48 milliards de dollars. En France, la Fevad note un basculement symbolique : pour la première fois en 14 ans, les réseaux sociaux passent devant les moteurs de recherche dans les priorités d’investissements publicitaires des e-commerçants.