29 mai 1968 : le mystère De Gaulle à Baden-Baden

Le 29 mai 1968, face à l’insurrection sociale de Mai 68, De Gaulle disparaît à Baden-Baden...

En mai 1968, la France est plongée dans une tempête sociale et politique d’une intensité rare. Ce mois-là, tout semble vaciller : les étudiants, en fronde ouverte à partir de Nanterre et de la Sorbonne, déclenchent une onde de choc qui galvanise les ouvriers. Grèves massives, affrontements dans les rues, démission ministérielle… le pays vacille.

Puis, coup de théâtre : le 29 mai, le président Charles de Gaulle quitte Paris dans un mystère total. Destination, Baden-Baden, une ville allemande qui fait plus parler d’elle en une journée que depuis des décennies. Pourquoi un tel choix, en plein chaos ? Cette question, encore aujourd’hui, reste en partie sans réponse.

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Paris au bord de l’explosion

Mai 68, c’est d’abord un mouvement étudiant qui prend feu à Nanterre le 22 mars, avant de déferler sur Paris. Le 3 mai, la Sorbonne devient le bastion des revendications et un champ de bataille contre les forces de l’ordre. Rapidement, le malaise s’étend aux usines : Renault à Billancourt ouvre la voie à une véritable paralysie nationale.

Grèves générales, syndicats survoltés, un gouvernement Pompidou qui semble figé. Le 28 mai, Alain Peyrefitte, ministre de l’Information, jette l’éponge, un geste qui révèle les fissures du pouvoir. Dans ce tumulte, la France retient son souffle, et l’Histoire, elle, s’emballe.

Le 29 mai, un geste improbable déstabilise encore davantage un pays au bord du gouffre. Ce matin-là, le Conseil des ministres est annulé, et de Gaulle quitte l’Élysée sans tambour ni trompette. Pas de Citroën DS officielle, mais un hélicoptère. Direction : Saint-Dizier, avant un second vol vers Baden-Baden, en Allemagne. Pompidou, comme le reste du gouvernement, est tenu dans l’ignorance.

Pourquoi ce voyage ? Officiellement, une visite au général Massu, commandant des forces françaises en Allemagne. Mais l’opinion publique, comme les analystes, se perd en conjectures. Stratégie d’électrochoc, moment de découragement, ou préparation d’un repli en cas d’effondrement ? Toutes les pistes restent ouvertes.

Une fois à Baden-Baden, De Gaulle retrouve le général Massu. Selon certains témoignages, c’est ce dernier qui aurait poussé le président à revenir à Paris et reprendre le contrôle. Mais Baden-Baden n’est pas seulement une escale de concertation : en tant que siège du commandement des forces françaises, la ville représente un ancrage stratégique. Pour de Gaulle, ce lieu n’a rien d’étranger. Il pourrait, selon certaines sources, y signer des décrets si besoin. D’autres interprétations voient dans cette “fuite” un écho à la tentative de Varennes de Louis XVI, cette fois réussie, pour provoquer une mobilisation populaire.

Une réplique magistrale

Après son séjour éclair en Allemagne, De Gaulle se replie à Colombey-les-Deux-Églises, son refuge emblématique. Le 30 mai, il passe à l’offensive. Un discours radiophonique, calibré comme une œuvre d’orfèvre, annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et des élections législatives. Dans la foulée, une manifestation monstre de soutien aux gaullistes envahit les Champs-Élysées.

La France, ébahie, assiste à un retournement spectaculaire : de Gaulle, que l’on croyait affaibli, reprend les rênes. Par sa parole, il transforme une crise existentielle en une démonstration de leadership, rappelant que, pour lui, l’Histoire est affaire de mots.


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