De Gaulle et l’Appel du 18 juin 1940

Londres, 18 juin 1940. Dans un studio modeste de la BBC, une voix grave s’apprête à retentir. Le général Charles de Gaulle, encore inconnu du grand public, ajuste son micro. Quelques secondes de silence. Puis il parle.

Ce moment, si simple en apparence, est en réalité un tournant historique, un refus solitaire face à l’inacceptable. De Gaulle, seul contre tous, choisit la résistance dans une France qui s’effondre sous le poids de la Blitzkrieg allemande et du désespoir.

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Ce soir-là, la France se tait. Mais quelque part, dans l’écho de cette voix, une promesse naît : celle d’un combat qui dépassera les défaites et les frontières.

La déroute militaire est totale. En mai 1940, la guerre s’est abattue comme une tempête. Les chars allemands percent les lignes françaises, appuyés par une supériorité aérienne écrasante. Ce n’est plus une bataille, c’est un effondrement. Des milliers de soldats tombent, les villes se vident, et les routes se remplissent de familles en exil. Une France terrassée, désarmée.

L’exil nécessaire de De Gaulle

Au cœur du chaos, le gouvernement français se divise. À Vichy, le désordre est partout. Le maréchal Pétain, figure d’une gloire passée, choisit la voie de la capitulation. Pour lui, la guerre est perdue. Pour De Gaulle, elle ne fait que commencer. « Je ne crois pas que la France doive s’incliner devant l’ennemi. » Une phrase. Une conviction. Un homme contre une nation résignée.

La situation pousse le général vers un exil nécessaire. Londres devient alors le refuge du défi. Winston Churchill, qui partage cette même intransigeance face à Hitler, accueille le général français. Il lui offre un micro, une tribune et une opportunité. Mais De Gaulle n’est pas encore ce héros qu’on imagine aujourd’hui. Pour les Alliés, il est un officier inconnu, un militaire solitaire, un pari risqué.

Cette défaite psychologique achève un pays déjà vaincu militairement. Ce qui meurt en 1940, ce n’est pas seulement une armée, c’est une nation blessée, rongée par l’humiliation. Le général de Gaulle parle avant tout à cet esprit déchu : sa voix, ferme et calme, est un cri d’espoir. Un appel pour rappeler aux Français qui ils sont.

Le discours du général est simple, concis, presque prophétique. « La France a perdu une bataille, mais elle n’a pas perdu la guerre. » Ces mots résonnent comme un avertissement. De Gaulle ne promet pas la victoire immédiate, il annonce la résistance. Ce combat se mènera partout : sur les mers, dans les airs, partout où la liberté sera encore possible. L’appel est lancé aux soldats et officiers en Grande-Bretagne, mais aussi au peuple français tout entier. Il invite chacun à refuser l’inacceptable et à préparer les jours meilleurs.

La diffusion du message reste, dans un premier temps, restreinte. L’appel est émis sur les ondes de la BBC. Une poignée de Français, depuis leurs postes de radio, écoutent en silence. Peu nombreux sont ceux qui saisissent la portée de ces mots. Le gouvernement de Vichy s’acharne à censurer ce message, à effacer les échos d’une révolte encore naissante. Mais les mots de De Gaulle cheminent : clandestinement, dans l’ombre, ils allument des foyers de résistance.

De Gaulle, voix de la France

Au-delà de l’événement lui-même, l’Appel du 18 juin devient, avec le temps, un symbole de la Résistance. Il incarne l’honneur d’une France qui refuse de mourir. Cette voix solitaire, sur les ondes britanniques, est perçue comme le point de départ d’un combat acharné contre l’occupation nazie.

L’appel façonne également le mythe de Charles de Gaulle. Ce général méconnu devient une figure héroïque, une icône de la Résistance. À chaque époque, son geste rappelle qu’une seule voix peut défier le cours de l’histoire. Pourtant, il faut nuancer le mythe : en juin 1940, l’appel touche peu d’oreilles. Ce n’est que plus tard, grâce au travail de mémoire, qu’il prend cette dimension presque légendaire.

L’impact politique de l’appel est considérable. Il incarne la lutte pour la souveraineté nationale et inspire, encore aujourd’hui, les réflexions politiques françaises. De Gaulle ne parlait pas seulement de résister à l’Allemagne nazie, il posait les bases d’une France libre et indépendante.

Ce 18 juin 1940, dans une pièce exiguë de Londres, Charles de Gaulle a changé le destin d’un pays. Son appel n’était pas un cri de guerre mais un serment, celui d’une lutte future pour libérer la France de ses chaînes. Solitaire à l’époque, il a depuis rassemblé une nation entière autour d’une idée : celle de ne jamais abandonner. Et si, ce soir-là, peu de Français ont entendu sa voix, aujourd’hui, elle appartient à tous.


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