Ce n’est pas un avion que certains Etats européens s’apprêtent à acheter. C’est une allégeance. Un ralliement implicite à une puissance étrangère, un consentement discret à la servitude. Sous l’apparente neutralité des contrats d’armement, l’achat du F-35 cristallise une tragédie contemporaine : celle d’une Europe incapable de penser sa défense sans se livrer aux caprices de l’Empire américain.
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Le mirage américain : quand la défense devient dépendance
Au cœur du programme F-35, ce n’est pas la performance qui séduit, mais la promesse d’un ancrage dans l’appareil militaire américain. Une promesse empoisonnée. Car derrière chaque ligne de code non partagé, chaque pièce détachée sous embargo potentiel, chaque mise à jour centralisée à Fort Worth, se profile un dispositif de contrôle. Une souveraineté sous tutelle, déguisée en interopérabilité.
Le F-35 n’est pas un outil de défense, c’est une laisse numérique. Il peut être désactivé. Littéralement. Au nom de la cybersécurité, dit-on. En vérité, au nom d’une logique de domination assumée. Les États européens achètent leur propre impuissance avec des milliards publics, au bénéfice d’un allié qui ne fait plus mystère de son mépris pour l’idée même d’alliance.
Donald Trump ou l’OTAN à la découpe
Depuis son premier mandat, Donald Trump a clarifié les choses. L’OTAN ? Une boutique. La solidarité transatlantique ? Une facture. Il n’y a plus d’illusion possible : l’Europe, à ses yeux, n’est pas une alliée, mais une cliente. Docile, ou à punir.
Que signifie alors l’achat du F-35 dans ce contexte ? Non plus un partenariat, mais une soumission préventive. Un pacte faustien avec une superpuissance désengagée, prête à tout troquer — y compris la paix — contre une plus-value électorale ou une victoire idéologique. Il ne s’agit plus seulement d’un choix technique : c’est un renoncement à penser la défense européenne autrement que dans l’ombre de Washington.
L’Europe otage d’un piège industriel
Ce piège, l’industrie américaine l’a tissé avec méthode. Les pays qui entrent dans le programme F-35 ne sont pas simplement des clients : ils deviennent parties prenantes d’un réseau de dépendance. Usines sous-traitantes, formation centralisée, maintenance impossible sans validation américaine. Une dépendance systémique. Et quand l’avion accumule retards, défauts structurels, et un coût global astronomique ? Peu importe : la dépendance est verrouillée.
Il y a là une leçon. Ce n’est pas le succès du F-35 que l’on observe, mais celui d’une stratégie d’enrôlement. L’avion est secondaire. Ce qui compte, c’est le filet.
Pourtant, l’Europe n’est pas démunie. Elle produit. Elle innove. Elle exporte. Le Rafale, le Gripen, l’Eurofighter ne sont pas des compromis : ce sont des réussites. Mais il manque l’essentiel : la volonté politique de faire de cette capacité industrielle un projet stratégique commun.
En 2023, un plan européen de réarmement a été lancé : 800 milliards d’euros d’ici 2030. L’occasion historique d’inverser la logique. D’investir dans un pôle de souveraineté industrielle. De dire non au chantage techno-militaire américain. De dire oui à une Europe adulte, capable de choisir ses armes comme elle choisit ses batailles — en conscience, et non par défaut.
Refuser le F-35, c’est refuser l’infantilisation stratégique
La vérité est là, nue et crue : le F-35 est un avion conçu pour faire taire l’indépendance. Il est l’outil d’une guerre froide relancée par l’économie de la peur, une peur vendue à la découpe, sous forme de contrats de plusieurs milliards. Mais le plus cher n’est pas le prix de l’avion : c’est celui de la soumission.
Alors, que l’Europe se ressaisisse. Qu’elle cesse d’être l’arrière-boutique d’une superpuissance qui ne la respecte plus. Le moment est venu d’un basculement. Non plus un sursaut, mais une construction. Celle d’une Europe qui n’attend plus d’autorisation pour se défendre.