Gérard Bourgoin, le dernier des baroudeurs

Gérard Bourgoin n’a jamais suivi les sentiers battus. Il s’en est allé comme il a vécu, sur une route de l’Yonne, en mouvement, à 85 ans, victime d’un malaise au volant en revenant d’un match de l’AJA. Une fin presque romanesque pour cet homme aux mille vies, que "L’Yonne Républicaine" a si bien qualifié.

Il était de ces figures qui ne laissent personne indifférent. Gérard Bourgoin, ancien magnat de l’agroalimentaire, patron aux mille projets, touche-à-tout inclassable, a quitté la scène de manière aussi brutale qu’inattendue. Un malaise au volant, une route de l’Yonne, un destin qui bascule à 85 ans, en rentrant du stade de l’Abbé-Deschamps après un match de l’AJ Auxerre.

Bourgoin, c’était avant tout un tempérament. Loin des sentiers balisés du capitalisme aseptisé, il avait bâti un empire sur le poulet, défiant la grande distribution avec ses marques Duc de Bourgogne et La Chaillotine. Un succès fulgurant, une expansion européenne, avant la chute : la concurrence brésilienne, une gestion risquée, et finalement, en 2000, la déroute. Son groupe, valorisé à 5 milliards de francs à son apogée finit par être cédé pour une bouchée de pain, 150 millions. Un homme comme lui ne pouvait que se révolter contre un système qui broie ceux qui refusent de plier.

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Dans cette adversité, Bourgoin ne baisse pas les bras. En 1996, il fonde la FEEF, une organisation patronale dédiée aux PME, pour défendre ces entrepreneurs que la finance regarde de haut. Il avait ce talent de rassembler, parfois de surprendre.

L’homme n’avait pas de limites. Ancien apprenti-boucher, il s’improvise président de la Ligue nationale de football, pilote son propre avion malgré les drames familiaux, s’intéresse à la politique en rejoignant le CNIP d’Antoine Pinay, et finit même par exploiter des puits de pétrole à Cuba sous l’œil de Fidel Castro.

L’Yonne Républicaine le qualifiait d’ »homme aux mille vies ». C’était sans doute la meilleure manière de résumer cet entrepreneur instinctif, cet homme d’action, ce pionnier qui n’a jamais cessé de croire que tout était possible. Peut-être aurait-il fallu que notre système sache mieux accompagner ces figures d’exception. Mais Bourgoin, lui, n’a jamais attendu qu’on lui donne sa place : il la prenait.


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