Moins d’usines, moins d’argent : les chiffres inquiétants des start-up industrielles

Les startups industrielles françaises font face à une chute des financements (-32 %) et un ralentissement des nouvelles usines. Assiste-t-on à coup de frein passager ou à une crise plus profonde ?

Les jeunes pousses de l’industrie, censées incarner le renouveau productif du pays, traversent une zone de turbulence. Moins de financements, moins de nouvelles usines : après des années d’enthousiasme, l’élan marque le pas.

Levées de fonds en chute libre

Le nerf de la guerre, c’est l’argent. Or, en 2024, les start-up industrielles françaises ont levé 2,8 milliards d’euros, un plongeon de 32 % par rapport à 2023. Le mouvement est encore plus marqué sur les gros tickets : les levées de fonds de plus de 100 millions d’euros ont été divisées par deux en un an.

Pourquoi cette frilosité ? D’abord, les investisseurs font preuve de prudence. « L’industrie, c’est du temps long, et l’époque préfère l’instantané », résume Paul-François Fournier, directeur exécutif de l’innovation chez Bpifrance. Ensuite, la montée en puissance de l’intelligence artificielle aspire une part croissante des capitaux, au détriment des projets industriels. Enfin, le contexte global n’aide pas : en Europe, les financements tech ont reculé de 21 %.

Pourtant, tout n’est pas noir. Depuis 2022, les start-up industrielles françaises ont attiré près de 11 milliards d’euros. En 2024, elles concentrent encore plus du tiers des financements de la French Tech. Le signe d’un intérêt qui reste fort, malgré le ralentissement.

Des usines qui tardent à sortir de terre

L’autre indicateur qui clignote en orange, c’est le nombre d’inaugurations de sites industriels. En 2024, seulement 38 nouvelles implantations ont été recensées, contre 60 en 2023, soit une baisse de 37 %. Une statistique inquiétante pour une France qui mise sur l’industrie pour rééquilibrer son économie.

Ces nouveaux sites se répartissent en plusieurs secteurs-clés :

  • Composants électroniques : Dracula Technologies (photovoltaïque organique), Iten (microbatteries), EYCO (supports de puces).
  • Hydrogène : HDF Energy (piles à combustible), Haffner Energy, Innoplate.
  • Agroalimentaire : Swap (protéines végétales), Innovafeed (insectes), Algama (algues).
  • Économie circulaire : Uzaje (lavage de contenants), Eco In Pack (bouteilles consignées), BE WTR (eau en verre).

Cette diversité montre que l’industrie française ne manque ni de projets, ni d’innovation. Mais entre l’idée et l’usine, le chemin reste semé d’embûches.

Ce trou d’air ne remet pas en cause l’élan industriel de la France, mais il impose un ajustement. Bpifrance suit de près un vivier de 3 200 start-up industrielles, dont la moitié sont des greentechs et un tiers des deeptechs. Deux secteurs prioritaires pour l’Europe de demain.

Mais pour transformer l’essai, il faudra des mesures fortes. Accélérer les financements, simplifier les démarches, encourager les investisseurs : autant de leviers pour éviter que l’industrie française ne perde son élan. Mario Draghi, ancien patron de la BCE, le rappelle : la souveraineté industrielle de l’Europe passe par des investissements stratégiques massifs.


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