Pourquoi nos start-up boudent-elles la Bourse ?

La France et l’Europe possèdent start-up capables de rivaliser avec les géants américains et asiatiques. Mais pour qu’elles se développent sur le continent, encore faut-il leur offrir un environnement boursier à la hauteur.

L’introduction en Bourse, ce grand saut vers les marchés financiers, demeure une épreuve redoutable pour les start-up en forte croissance. Accéder à des capitaux conséquents, gagner en visibilité, assurer son développement sur le long terme : les promesses sont belles, mais l’exercice est semé d’embûches.

En France et en Europe, les IPO (IPO est l’abréviation d’Initial Public Offering, ou introduction en bourse en français) se font rares, notamment dans la tech. Le 3e Rapport French Tech Finance Partners, remis en janvier 2025, met en lumière les freins qui entravent la route des start-ups vers la cotation et esquisse des solutions pour fluidifier le passage vers les marchés financiers.

Le nerf de la guerre : financer la dernière ligne droite avant l’IPO

Avant même d’envisager une introduction en Bourse, encore faut-il atteindre une taille critique. Or, c’est là que le bât blesse : le financement late-stage reste le maillon faible de l’écosystème français. Trop peu de fonds d’investissement nationaux s’impliquent dans cette phase cruciale. Le rapport préconise donc la création de fonds pre-IPO et crossover, capables d’attirer les investisseurs institutionnels français et d’orienter efficacement les capitaux vers les start-ups en croissance.

Autre levier sous-exploité : l’épargne des particuliers. Aux États-Unis, investir en actions fait partie des mœurs. En France, c’est une autre histoire : l’épargne est surtout placée sur des produits sécurisés, loin des risques et des opportunités de la Bourse. Il est donc urgent de rendre les nouvelles cotations plus accessibles via les Plans d’Épargne en Actions (PEA), en revoyant à la hausse les plafonds et en assouplissant les règles d’investissement. Ouvrir certains placements accélérés aux particuliers et favoriser l’investissement en actions dans l’assurance-vie permettrait aussi d’orienter une part de cette manne vers les start-up françaises.

Attirer les start-up vers la Bourse : un marché à moderniser

Pour qu’une entreprise choisisse la Bourse, encore faut-il que l’environnement soit attractif. Et sur ce point, le marché français pêche par sa complexité. Trop de lourdeurs administratives, trop de délais… Résultat : les start-up hésitent. Le rapport suggère donc de moderniser et simplifier l’accès aux marchés financiers, avec notamment la création d’un indice dédié aux sociétés de croissance, dans l’esprit du Tech Leaders Index. De quoi mieux valoriser les entreprises innovantes auprès des investisseurs.

Le rapport insiste aussi sur la digitalisation accrue des places boursières, à l’image du modèle PrimaryBid, qui facilite l’accès des investisseurs aux IPO. Mais l’attractivité d’une entreprise cotée ne se joue pas qu’au moment de l’entrée en Bourse. Un autre défi se pose : assurer la liquidité des titres. Sans transactions suffisantes, difficile de convaincre les investisseurs. Le rapport propose donc d’inciter les market makers à soutenir la liquidité des actions durant les 12 à 24 mois suivant l’IPO. Un cadre fiscal plus compétitif sur les plus-values mobilières permettrait aussi de renforcer l’intérêt pour les entreprises nouvellement cotées.

Préparer les start-up à affronter la Bourse

Passer en Bourse ne s’improvise pas. C’est un processus long, technique, qui demande une préparation rigoureuse. Trop d’entreprises se lancent sans maîtriser les attentes du marché, et l’échec guette. Le rapport préconise donc des roadshows éducatifs et des sessions de formation pour aider les start-up et leurs dirigeants à mieux comprendre les attentes des investisseurs. Une Equity Story convaincante, qui met en avant le potentiel de croissance et le chemin vers la rentabilité, est essentielle pour réussir son IPO.

Autre problème de taille : le manque d’analystes financiers spécialisés. Aux États-Unis, les entreprises technologiques bénéficient d’une couverture analytique dense, ce qui rassure les investisseurs. En Europe, le paysage est plus clairsemé. Le rapport suggère de développer des divisions spécialisées dans l’analyse des Small & Mid Caps et de créer une plateforme partagée de recherche, permettant de mutualiser les coûts et d’améliorer l’accès à l’information.

Un cadre fiscal et réglementaire à revoir

Enfin, il y a l’épineuse question de la réglementation et de la fiscalité. L’instabilité des dispositifs fiscaux incitatifs et la complexité des règles freinent les introductions en Bourse. Le rapport insiste sur la nécessité de garantir un cadre fiscal stable pour les fonds d’investissement dédiés aux start-up.

Autre défi : éviter la fuite des IPO vers les États-Unis. De plus en plus de start-up européennes préfèrent se coter outre-Atlantique, attirées par un marché plus profond et plus liquide. Pour contrer cette tendance, l’Union des marchés de capitaux doit enfin aboutir, afin de réduire la fragmentation réglementaire en Europe. Le renforcement du programme Tibi, qui mobilise des fonds institutionnels pour les entreprises tech, pourrait aussi jouer un rôle clé pour retenir les IPO en Europe.


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