Résumé Résumé
Ce 1er septembre, Cyril Hanouna a fait son retour à la télévision avec Tout beau tout neuf (TBT9), diffusée sur W9. L’émission est présentée comme un renouveau, une reprise sur de nouvelles bases, dans un contexte marqué par la fin de C8, dont la fréquence n’a pas été reconduite par l’Arcom.
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À l’écran, pourtant, peu de changements. Le décor est identique à celui de Touche pas à mon poste (TPMP), l’équipe est composée en grande partie des mêmes chroniqueurs, le ton général reste le même. Les promesses de réorientation vers le divertissement pur, sans débat politique ni propos polémiques, sont rapidement contredites.
TBT9, aussi politique que TPMP
Dès les premières émissions, les repères sont familiers. L’émission se déroule en plusieurs parties, comme TPMP. Les chroniques sont reprises presque à l’identique. Les interventions de Cyril Hanouna suivent la même logique de mise en scène centrale, avec un rapport hiérarchique marqué entre l’animateur et ses collaborateurs. Plusieurs séquences abordent des sujets politiques, malgré les engagements initiaux du groupe M6. Un débat sur François Bayrou intervient dès la première semaine, et la présence annoncée de Patrick Sébastien, présenté comme un « éventuel candidat », montre que la frontière posée par la direction entre information et divertissement est poreuse.
Le programme est diffusé en direct, alors qu’un léger différé avait un temps été envisagé pour éviter tout incident. La chaîne a confirmé qu’en cas de sanction, les amendes seraient à la charge de l’animateur. En matière d’image, il s’agit d’un transfert de plateforme, non d’un changement de ligne. Le format reste inchangé, le public visé également.
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Une agence de com très politique
Les indicateurs d’audience valident ce choix. TBT9 rassemble jusqu’à 1,77 million de téléspectateurs dans sa dernière partie, ce qui place W9 en tête des chaînes de la TNT sur cette tranche. Ces résultats marquent une progression nette pour la chaîne, même si le public reste âgé, avec une moyenne autour de 60 ans, ce qui ne correspond pas à l’objectif initial d’un rajeunissement.
En parallèle, Cyril Hanouna développe un autre projet : la création de l’agence de communication Chapchak, annoncée au printemps et opérationnelle depuis septembre. Cofondée avec Aline Poulain, ancienne proche de Nicolas Sarkozy et de Jean-Michel Blanquer, et Karl Astié, conseiller parlementaire, l’agence se donne pour mission de concevoir des stratégies de communication pour des élus, des entreprises ou des artistes. Elle s’inscrit dans une logique de conseil politique, en particulier sur les réseaux sociaux, avec une capacité d’action transversale dans le paysage médiatique.
Lancement de l’agence Chapchak
Cette activité soulève des questions sur la neutralité des antennes où Cyril Hanouna intervient. Il anime également une émission sur Fun Radio, et conserve une influence sur plusieurs médias du groupe M6. Aucune mesure ne garantit que les clients de Chapchak ne seront pas invités à l’antenne, ni que les liens entre les deux activités seront encadrés. Cela place l’agence dans une zone grise, à la jonction entre communication politique et exposition médiatique. En structurant cette activité, Hanouna donne une forme concrète à une fonction d’influence qu’il exerçait déjà de manière informelle à travers TPMP.
Cette évolution s’inscrit dans un contexte plus large. Depuis 2021, plusieurs observateurs relèvent une proximité croissante entre Cyril Hanouna et des figures politiques issues de l’extrême droite. TPMP a servi de tribune à Éric Zemmour, Marine Le Pen ou Jordan Bardella. En 2024, son émission sur Europe 1, On marche sur la tête, accorde une large place à des candidats ou responsables politiques du Rassemblement National ou de Reconquête. L’Arcom relève une surreprésentation de ces courants, sans effet concret sur la programmation. Les choix éditoriaux reflètent une orientation assumée, qui s’accompagne d’un discours de défiance envers les institutions, les élites et les médias traditionnels.
Proximité avec l’extrême droite
En juillet 2024, des photos publiées par Mediapart montrent Hanouna en vacances avec Jordan Bardella. L’image confirme des liens personnels que les deux hommes n’ont jamais véritablement commentés. Quelques mois plus tard, Hanouna déclare publiquement son soutien à des figures comme Donald Trump et Elon Musk, dans une logique de convergence idéologique. Il affirme vouloir « défendre tout ce qui est anti-woke ». Il avait envisagé un déplacement aux États-Unis pour les rencontrer, mais y a renoncé après la décision de l’Arcom de retirer la fréquence de C8.
Cette orientation s’inscrit dans un rapport plus large à la politique. Hanouna ne revendique pas de rôle partisan, mais occupe une place dans le débat public qui s’apparente à celle d’un acteur politique. Il commente, hiérarchise, relaie. Son influence ne s’exerce pas dans un cadre institutionnel, mais dans l’organisation du discours médiatique. Il sélectionne les thèmes, valorise certains invités, participe à la circulation d’idées et de représentations. La structuration de cette influence, avec Chapchak, marque une étape supplémentaire.
Climat de pression en interne
Pour comprendre cette trajectoire, il faut s’attarder sur le parcours personnel de Cyril Hanouna. Né à Paris en 1974 dans une famille juive tunisienne, il grandit dans un cadre stable. Son père est médecin, sa mère commerçante. Il évoque souvent ses origines, ses souvenirs familiaux, mais aussi un sentiment d’infériorité au sein de sa propre fratrie. Dans une séquence récente, il se décrit comme « le nul de la famille », en décalage avec son frère et sa sœur. Ce discours, répété à plusieurs reprises, laisse entrevoir une dynamique de compensation, un besoin de reconnaissance renforcé par un sentiment d’exclusion initiale.
Ce besoin devient plus visible après 2015, lorsque le groupe Vivendi, dirigé par Vincent Bolloré, signe avec lui un contrat de cinquante millions d’euros sur cinq ans. L’émission TPMP dépasse alors le million de téléspectateurs chaque soir. Selon plusieurs analystes, cette période marque une inflexion. Hanouna obtient une liberté nouvelle, liée à sa rentabilité et à son poids dans la stratégie du groupe. Hanouna, loin d’être un simple animateur animateur, devient central dans la construction de la ligne éditoriale du groupe.
Fonctionnement conflictuel
C’est également à cette période que s’accumulent les témoignages sur un mode de fonctionnement conflictuel. En mars 2025, Mediapart publie des enregistrements sonores dans lesquels Hanouna menace le chroniqueur Matthieu Delormeau pendant une pause publicitaire. Il évoque des violences physiques. Delormeau, visiblement affecté, présente des excuses à l’antenne. L’incident s’inscrit dans une série de faits signalés par d’anciens collaborateurs : pressions, humiliations, conflits personnels. En 2019, une altercation violente aurait eu lieu dans une loge, impliquant un proche de Hanouna et un ancien agent artistique. L’affaire n’a pas été portée devant la justice, mais les témoignages évoquent un climat marqué par l’intimidation.
Des anciens membres de l’émission décrivent un système fermé, basé sur la loyauté, l’adaptation permanente aux attentes du présentateur, et un climat de surveillance. Des collaborateurs sont écartés temporairement en cas de désaccord ou de manque d’enthousiasme. Plusieurs témoignages évoquent une forme d’emprise. Certains parlent de dépendance économique et symbolique, liée à la forte exposition que permet la participation à ses programmes.
Parallèlement, Hanouna adopte un discours de défiance à l’égard de la critique. Il rejette les prises de position venues du monde intellectuel ou universitaire, qu’il associe à une forme de mépris social. Cette posture se retrouve dans ses interventions publiques, dans sa manière d’aborder les débats, et dans sa lecture des polémiques qui le visent. L’anti-intellectualisme devient un argument récurrent, mobilisé pour décrédibiliser les objections et entretenir un lien direct avec son public.
Un rôle politique sans mandat
Cette dynamique s’accompagne d’une évolution de la perception du public. Si Hanouna conserve une audience fidèle, son image se fragmente. Les baromètres d’opinion montrent une baisse de popularité constante. Il est de moins en moins perçu comme une figure du divertissement, et de plus en plus comme un personnage controversé, qui suscite des réactions opposées. Des soutiens évoquent son ton libre, sa capacité à aborder tous les sujets. Ses détracteurs dénoncent une banalisation des propos agressifs, un style conflictuel, et un usage stratégique des polémiques.
En avril 2025, l’hypothèse d’une candidature présidentielle circule brièvement, relayée par Valeurs Actuelles. Un sondage le crédite de 10 %. Hanouna dément rapidement, expliquant qu’il s’agissait d’une opération de communication destinée à tester les réactions et à nourrir la visibilité de ses émissions. Il décrit lui-même le procédé : un envoi de mails ciblé, des fuites attendues, et une reprise dans les médias. Cette séquence illustre sa capacité à produire des événements médiatiques sans actualité réelle, en mobilisant les mécanismes de la rumeur et de la spéculation politique.
Aujourd’hui, l’activité de Cyril Hanouna ne peut plus être réduite à l’animation de talk-shows. Son action s’exerce à plusieurs niveaux : télévision, radio, communication politique, réseaux sociaux. Il dispose d’une équipe, de relais institutionnels, d’un accès privilégié aux plateformes. Il intervient sur des sujets variés, avec une cohérence éditoriale qui traverse l’ensemble de ses projets. Ce fonctionnement ne correspond plus aux cadres traditionnels du divertissement. Il relève d’une stratégie de positionnement transversal, à la fois médiatique et politique.
Cyril Hanouna a construit, au fil des années, un mode d’action qui combine visibilité, influence et réseau. Ses interventions pèsent sur l’opinion. Ses choix éditoriaux influencent le débat public. Ses prises de position personnelles sont reprises, commentées, analysées. Ce pouvoir, s’il n’est pas institutionnel, s’exerce de manière continue. Il n’est pas attribué par une fonction officielle, mais repose sur une capacité à occuper l’espace, à en orienter les usages, à en tirer un bénéfice direct.
La question n’est plus de savoir s’il fera de la politique. Il en fait déjà.