L’empire Mulliez sous pression

Les Mulliez, c’est plus qu’une famille : c’est une institution. Originaire de Roubaix, elle a transformé une petite aventure industrielle en un empire économique mondial. Avec des enseignes comme Auchan, Décathlon ou Leroy Merlin, elle a changé la façon dont les Français consomment.

Mais derrière cette success-story se cachent des défis bien réels. Une croissance basée sur des prix bas, des accusations d’optimisation fiscale, et une révolution numérique qui bouscule tout. La famille Mulliez est-elle encore à la hauteur de son histoire ?

Le pari de l’hypermarché

Tout commence en 1961, quand Gérard Mulliez, 29 ans, ouvre le premier Auchan à Roubaix. Inspiré par les grandes surfaces américaines, il mise sur une idée simple mais audacieuse : réunir tout sous un même toit pour offrir des prix imbattables. Bingo. Le modèle cartonne, et en quelques décennies, Auchan devient un géant mondial.

Mais aujourd’hui, l’hypermarché ne fait plus rêver. La montée du e-commerce, la recherche de circuits courts et la pression écologique changent la donne. Alors que les consommateurs veulent du « rapide, local, responsable », le modèle Auchan, trop grand et trop standardisé, montre ses limites. Résultat : des fermetures de magasins, des plans sociaux, et des questions sur la stratégie future.

La force de la diversité

Là où d’autres se contentent d’un secteur, les Mulliez jouent sur tous les tableaux. Bricolage, sport, mode : Leroy Merlin, Décathlon et Kiabi complètent leur empire. Chacun est un succès. Décathlon a démocratisé l’innovation sportive. Leroy Merlin a fait du bricolage un passe-temps accessible. Et Kiabi a compris, avant tout le monde, qu’habiller une famille entière à bas prix était une mine d’or.

Cette diversification est un coup de maître : quand une activité flanche, une autre prend le relais. Mais cette stratégie demande une gouvernance solide. Et c’est là qu’intervient leur « règle des cousins » : pas de dirigeant solo, mais un modèle collectif où chacun a sa place. Résultat ? Une stabilité enviée, mais une lenteur qui peut être problématique face à l’accélération des changements.

Le revers de la médaille ? Des accusations qui collent à l’image du groupe. La quête permanente de prix bas fait grincer des dents. Fournisseurs sous pression, salariés surmenés : pour certains, la réussite des Mulliez se fait au détriment des autres. Les syndicats dénoncent régulièrement les conditions de travail dans les magasins.

Et que dire de l’optimisation fiscale ? Avec des structures complexes dans plusieurs pays, le groupe est dans le viseur. Rien d’illégal, mais l’image en prend un coup. D’autant plus quand des plans sociaux, comme celui annoncé cette année, viennent s’ajouter à la liste. 2 389 emplois menacés, alors même que des dividendes record auraient été versés à la famille – une accusation démentie, mais qui laisse des traces.

Un empire à réinventer

Pour survivre, les Mulliez n’ont pas le choix : il faut s’adapter. La concurrence est féroce. Amazon bouscule tout, et même les acteurs locaux comme Carrefour misent sur des modèles plus agiles. Les consommateurs, eux, veulent du sens. Acheter responsable, local, éthique : voilà les nouvelles priorités.

Les jeunes générations Mulliez ont compris le message. Formées dans les meilleures écoles, elles prônent un changement en profondeur. Digitalisation, économie circulaire, nouvelles technologies : les idées ne manquent pas. Mais entre modernisation et respect des traditions familiales, l’équilibre est précaire. Trop de changement, et le modèle familial pourrait éclater. Pas assez, et le groupe risque de se faire distancer.

Les Mulliez ont toujours su s’adapter, mais le défi d’aujourd’hui est plus grand. Ce n’est pas seulement une question de stratégie économique. C’est un test de résilience. Comment rester compétitif tout en répondant aux attentes d’un monde en pleine mutation ?

Ce qui est sûr, c’est que leur histoire n’est pas finie. Après tout, les Mulliez ne sont pas qu’une famille : ils sont une marque en soi. Et une marque, ça se réinvente ou ça disparaît.


Partagez votre avis