L’Ami Nolé, dieu des terriens et de l’Olympe

Après cinq participations aux Jeux et une seule médaille de bronze à Pékin 2008, Novak Djokovic est devenu à 37 ans médaille d’or, champion olympique, à Roland-Garros sur la terre battue de Paris 2024. Cette apothéose couronne une carrière exceptionnelle, avec en particulier le plus grand nombre de victoires jamais engrangées dans les tournois de tennis du Grand Chelem. De la terre aux zones éthérées de l’Olympe – sans oublier les jeunes années en Serbie et les années noires de la guerre qu’a connues le pays -, le parcours du champion n’a pas été linéaire mais a dû surmonter des défis majeurs.

Souvenons-nous simplement, plus près de nous, cas exemplaire, de l’imbroglio sanitaire, administratif, politique et sportif, pendant le Covid,  qui empêcha le numéro un mondial du tennis d’alors – et le priva même un temps de liberté à Melbourne – de participer, en quelque sorte dans son jardin, à l’Australian Open, tournoi qu’il avait déjà remporté neuf fois. Quelles que soient les responsabilités dans l’affaire, il ne s’agit pas de nier le côté parfois rugueux et têtu d’une personnalité qui a sans doute des racines personnelles, familiales et nationales profondes et qui a pu être accentué par le star system. Il ne s’agissait pas non plus alors de se faire l’avocat de ceux qui s’opposaient à la vaccination contre la pandémie. Novak Djokovic ne l’avait d’ailleurs jamais fait lui-même.

Cependant, on n’a jamais pu dire avec certitude que le champion ait voulu se cacher et tricher. Il ne serait jamais venu à Melbourne si Tennis Australia, qui organise l’Open d’Australie et l’État de Victoria où il se déroule, n’avait pas jugé qu’il remplissait les conditions relatives aux obligations pour les non-vaccinés. La suite a été une bataille de plus en plus opaque au fil des jours, avec en toile de fond les fluctuations de l’opinion publique australienne, la campagne pour les élections générales sur place, les hésitations d’un gouvernement conservateur en difficulté et une caisse de résonance mondiale.

Novak Djokovic a toujours su surmonter les crises. Dans cette dernière affaire, on peut imaginer, sur le plan humain, qu’en plus de deux détentions, le fait d’être désigné à la vindicte populaire n’a pas dû être facile pour lui et sa famille. D’un point de vue sportif, la remise en cause de son visa et une interdiction de séjour de trois ans dans le pays – mesure finalement rapportée ultérieurement -, aurait pu mettre un terme, compte tenu de son âge, à ses ambitions territoriales du « roi de Melbourne ».

Mais le plus important , en ces circonstances, aura été pour beaucoup de découvrir qui est vraiment l’ami Nolé. Très peu de joueurs de tennis, sans doute un peu dépassés par la polémique, ont osé ou voulu le soutenir. La Française Alizé Cornet, dont on connaît le tempérament, a fait une exception en rappelant que Novak Djokovic était celui qui avait toujours soutenu les autres, surtout les moins bien classés, notamment lors de l’affaire du coronavirus.

A Roland-Garros, lors d’une finale perdue en 2015, Novak Djokovic avait reçu la plus incroyable et interminable ovation jamais donnée même à un vainqueur des Internationaux de France. Le public français, qui avait vu le champion souffrir pendant tant d’années sur la terre battue pour obtenir son Graal, en plus peut-être des sentiments que la Serbie a toujours inspirés en France, lui avait manifesté ses chaleureux encouragements. Le champion rugueux, mais au cœur d’or, était ainsi devenu plus que jamais à Paris l’ami Nolé. C’est là aujourd’hui qu’il a gravi et conquis l’Olympe.

Patrick Pascal


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