Cette opération, menée par l’Agence des participations de l’Etat (APE), valorise ASN à 350 M€. L’Etat devrait débourser environ 100 M€ pour cette prise de contrôle.
Créée en 1986, ASN est l’un des leaders mondiaux sur le marché hautement concurrentiel des câbles sous-marins de télécommunications. L’entreprise réalise un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros et emploie près de 2000 personnes, dont 1370 en France. Son siège et son principal site industriel se trouvent à Calais.
Droit de regard sur la cession
Nokia, qui avait hérité d’ASN lors du rachat d’Alcatel-Lucent en 2015, cherchait à s’en séparer depuis plusieurs années. Des discussions avaient été engagées en 2019 avec l’équipementier français Ekinops, mais n’avaient pas abouti. L’Etat français disposait d’un droit de regard sur la cession, en vertu des accords signés avec Nokia en 2015.
Selon Bercy, les repreneurs potentiels proposés par Nokia « ne convenaient pas forcément ». Le gouvernement a donc décidé de nationaliser ASN, un actif jugé hautement stratégique. En effet, les câbles sous-marins assurent aujourd’hui 99% du trafic Internet transcontinental. Leur contrôle est devenu un enjeu de souveraineté, dans un contexte géopolitique tendu où ces infrastructures critiques peuvent faire l’objet de menaces.
Résilience numérique
« Il fallait protéger cette activité stratégique et souveraine », a déclaré Bercy. La France entend ainsi sécuriser son approvisionnement en connexions Internet avec l’étranger et renforcer sa résilience numérique. La maîtrise des technologies et des capacités industrielles d’ASN doit aussi permettre de soutenir la croissance de ce marché en plein essor.
Sur le plan social, ce rachat apporte des garanties pour l’avenir du site de Calais et de ses 600 emplois. La maire de la ville, Natacha Bouchart, a salué « la stabilité nécessaire » qu’apportera la prise de contrôle par l’Etat. Les syndicats restent prudents et attendent des précisions sur la stratégie industrielle qui sera mise en place.
Intérêts stratégiques
L’accord prévoit que Nokia conserve 20% du capital dans un premier temps, afin de faciliter la transition. Mais l’Etat dispose d’une option pour monter à 100% à terme. La transaction devrait être finalisée d’ici fin 2024, après la levée des conditions suspensives, notamment l’information-consultation des instances représentatives du personnel.
Avec ce rachat, qui intervient juste avant les élections législatives anticipées, l’exécutif démontre sa volonté d’utiliser tous les leviers pour défendre les intérêts économiques et stratégiques français. Une politique volontariste déjà illustrée mi-juin par l’offre de rachat des activités cybersécurité et défense d’Atos, autre dossier industriel sensible. L’Etat s’affirme plus que jamais comme le garant de la souveraineté nationale dans les secteurs clés.
Julien Decourt