Droits des salariés : jusqu’où peut aller le pouvoir de contrôle de l’employeur ?

Dans son livre « le respect par l’employeur de la vie personnelle du salarié », Frédéric Grégoire analyse l’articulation délicate entre pouvoir de contrôle de l’employeur et droit des salariés au respect de leur vie personnelle, y compris dans un cadre professionnel.

Le contrat de travail se caractérise par un lien de subordination, en vertu duquel l’employeur dispose du droit de contrôler et sanctionner ses salariés. Mais, jusqu’où peut aller ce pouvoir de contrôle ? Si la vérification de la bonne exécution du travail ne soulève aucun débat, ce pouvoir de contrôle de l’employeur l’autorise-t-il à fouiller ses salariés ou leurs armoires individuelles ? A vérifier leurs connexions Internet ? A leur interdire d’utiliser leur téléphone portable personnel pendant le travail ?

Frédéric Grégoire, auteur de « Le respect par l’employeur de la vie personnelle du salarié » (Editions Gereso)


Dès le stade du recrutement, l’employeur ne peut poser que des questions en lien avec l’emploi proposé. La réglementation prévoit que les informations demandées au candidat à l’emploi doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles. A titre d’illustration, l’employeur ne peut demander au futur salarié s’il possède un permis de conduire en cours de validité que si la conduite d’un véhicule est rendue nécessaire par l’emploi proposé.  

Durant l’exécution du contrat de travail, le pouvoir de contrôle de l’employeur n’est pas absolu. A partir d’un principe général posé par la règlementation (l’employeur « ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché »), ce sont   les tribunaux qui fixent les règles en la matière : conditions dans lesquelles un employeur peut pratiquer un alcootest, contrôler le contenu de l’ordinateur professionnel du salarié, interdire les manifestations religieuses trop ostentatoires sur le lieu de travail, imposer une tenue de travail,… Par exemple, la cour de cassation a précisé que l’employeur était en droit d’interdire à la salariée, en contact avec la clientèle de l’agence immobilière, de venir travailler en survêtement. 

En outre, le risque est grand de tomber sous le coup d’une discrimination illicite. Le code du travail interdit les discriminations de toute nature qui ont trait à la vie personnelle des salariés (situation de famille, état de santé, orientation sexuelle,…). Une décision défavorable à l’égard d’un salarié, qui parvient à démontrer que l’employeur a pris en compte sa situation personnelle, risque fort d’être perçue comme discriminatoire : refuser de renouveller le contrat à durée déterminée d’un salarié, employé dans une communauté de communes, est  discriminatoire, dès lors qu’a été pris en considération l’engagement politique d’un membre de la famille du salarié concerné.

Les choses sont rendues encore plus compliquées par le fait que le salarié n’est pas dégagé de toute obligation en dehors du temps et du lieu de travail. Un certain nombre d’obligations à la charge du salarié restent applicables lorsque le contrat de travail est suspendu (pour cause de maladie, congés,…), au premier titre desquelles l’obligation de loyauté. En vertu de celle-ci, le salarié, en dehors de son temps de travail, doit s’abstenir de tout fait concurrentiel à l’égard de l’employeur, même si son contrat de travail ne contient aucune clause de non-concurrence.
D’une manière générale, certains actes répréhensibles, même commis en dehors du temps et du lieu de travail, sont rattachables à la vie professionnelle et sanctionnables comme tels : tel est le cas du supérieur qui se livre à des faits de harcèlement sexuel vis-à-vis d’une subordonnée durant ses week-ends. Enfin, certains actes de la vie personnelle justifient la rupture du contrat de travail, en ce qu’ils apportent une perturbation ou créent un trouble objectif au fonctionnement de celle-ci : cela pourra par exemple être le cas de l’incarcération du salarié pour des faits totalement étrangers à la vie de l’entreprise. 

Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) impose de strictes limites dans le traiment des données des salariés. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) encadre le traitement de toutes les données personnelles, et, à ce titre, celles des salariés de l’entreprise. L’application de ces règles complexes est contrôlée par la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) qui peut infliger de très lourdes sanctions : la RATP a ainsi été condamnée à une amende de 400 000 euros, après que la CNIL ait constaté le traitement de données relatives aux motifs d’indisponibilité des agents, parmi lesquels le nombre de jours de grèves de chacun.

Un ensemble de règles difficiles à connaître et à… appliquer. Savoir jusqu’où peut aller le pouvoir de contrôle vis-à-vis des salariés nécessite d’être un véritable couteau suisse ! C’est-à-dire d’être compétent dans de nombreux domaines (code du travail, RGPD,…) et particulièrement adaptables parce que les règles, notamment celles posées par les tribunaux, évoluent très fréquemment !

Frédéric Grégoire
Juriste en droit social et auteur de « Le respect par l’employeur de la vie personnelle du salarié » (Editions Gereso)


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