Secret Santa au bureau : le grand malaise

Chaque fin d’année, le Secret Santa revient dans les bureaux, entre cadeaux impersonnels et gêne institutionnalisée.

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Chaque mois de décembre, c’est la même scène : guirlandes clignotantes, chocolat à gogo et une tradition RH qui revient comme une sciatique mal soignée — le Secret Santa. L’idée est simple : un tirage au sort, un cadeau à petit budget, un soupçon de convivialité. Dans les faits, c’est surtout une démonstration collective de malaise bien emballé. Une sorte de théâtre social où tout le monde joue faux, mais avec le sourire.

Un rituel RH aux allures de piège social

Tout commence par ce tirage faussement bon enfant. Un saladier, quelques papiers roulés, et une collègue RH surmotivée qui distribue les rôles comme dans un mauvais film de Noël. Le sort désigne votre « cible » et, sans surprise, c’est souvent la personne que vous espériez éviter. Michel, par exemple. Comptable taciturne, amateur de thon réchauffé et de remarques passives sur la ponctualité.

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S’ensuit une opération quasi clandestine : fouilles sur LinkedIn, écoutes de couloir, interprétations douteuses (« elle a dit qu’elle aimait le yoga ? »). Tout cela pour réussir à dénicher un objet à 10 euros qui dise clairement : je n’ai rien contre toi, mais je n’ai jamais eu envie de te parler.

Cadeaux de bureau : le festival du gênant bien emballé

Pour ce genre d’épreuve, le marché est prêt. Bougies aux parfums hasardeux, mugs avec des jeux de mots indigestes, livres de développement personnel aux titres culpabilisants. Un kit complet de cadeaux impersonnels, calibrés pour ne fâcher personne – ou tout le monde, selon l’interprétation.

Les plus audacieux tentent parfois le « personnalisé ». Mauvaise idée. On se souvient encore de ce t-shirt avec le visage du collègue imprimé en grand. Une erreur stratégique qui hante encore les couloirs trois Noël plus tard.

Distribution des cadeaux : le pic de l’absurde

Arrive enfin le moment solennel de l’échange. Tout le monde réuni dans la salle de réunion, entre deux parts de bûche trop sucrée et un rétroprojecteur qui clignote. On déballe, on surjoue la surprise, on bredouille un merci, parfois on ose le câlin de circonstance. Et toujours, un soupçon de regrets — pour le cadeau reçu, mais surtout pour avoir participé.

Certains réalisent trop tard qu’ils ont offert un objet trop ironique à la mauvaise personne. D’autres constatent que leur propre cadeau n’a même pas été ouvert. Et le stagiaire ? Toujours oublié.

Pourquoi on continue malgré tout

On pourrait croire que l’exercice disparaîtrait, victime de son propre ridicule. Mais non. Chaque année, il revient. Parce que râler ensemble sur les cadeaux ratés, c’est aussi une forme de cohésion. Parce que l’ironie partagée vaut parfois mieux que mille team buildings. Et parce qu’au fond, on préfère se plaindre d’un mug moche que de ne rien recevoir du tout.

Alors oui, le Secret Santa est une absurdité annuelle. Mais une absurdité nécessaire. Un moment de gêne institutionnalisée qui, étrangement, fait tenir l’édifice social du bureau jusqu’à la galette des rois.



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