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Les chiffres de l’Insee donnent le ton : +8,2 % de valeur ajoutée par actif agricole en 2025. Un rebond bienvenu après l’effondrement de 2024. Mais cette moyenne nationale masque une réalité beaucoup plus hétérogène. Le clivage entre les grandes cultures et l’élevage s’accentue. Impossible, donc, de répondre d’un bloc à la question : combien gagne un éleveur en France ? Les écarts sont trop importants, selon les filières, les régions et les structures d’exploitation.
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Combien gagne un agriculteur ?
Éleveurs : des revenus très inférieurs au chiffre d’affaires
Le revenu réel d’un éleveur ne se mesure pas à l’aune de son chiffre d’affaires. L’indicateur retenu par les comptables agricoles est le Résultat Courant Avant Impôts (RCAI). Il s’agit du revenu dégagé après paiement des charges d’exploitation, mais avant impôts et cotisations. Ce chiffre reste le plus représentatif de la rentabilité de l’activité.
En 2025, le revenu disponible moyen des ménages agricoles avoisine 49 600 € par an. Mais la majorité de cette somme ne provient pas directement de l’activité agricole. Elle intègre souvent les revenus du conjoint ou des activités parallèles, comme la production d’énergie ou l’accueil touristique. Si l’on isole uniquement le fruit du travail agricole, une part significative des éleveurs — environ 20 % — vit sous le seuil de pauvreté.
RCAI par filière : des écarts de 20 000 à 50 000 euros
Les données des Centres de Gestion et de l’Institut de l’Élevage montrent une forte disparité selon les productions. En queue de peloton, les éleveurs de bovins viande, avec un RCAI situé entre 20 000 € et 30 000 € par actif. La filière lait s’en sort un peu mieux, entre 30 000 € et 40 000 €, mais au prix d’une charge de travail souvent démesurée.
Les éleveurs porcins connaissent, eux, une embellie passagère : un RCAI supérieur à 50 000 €, grâce à la baisse du coût des aliments (–8,9 % sur un an). À l’inverse, les producteurs de grandes cultures accusent le coup. La chute des prix mondiaux a parfois fait passer leur RCAI en zone négative, malgré des rendements corrects.
PAC : sans aides, la rentabilité s’effondre
Pour les éleveurs de ruminants, le marché seul ne suffit plus. Les aides de la PAC, notamment les aides couplées et les primes à l’UGB, représentent souvent plus de 195 %, voire 200 % du revenu dégagé par l’activité. Autrement dit : sans subventions, ces exploitations travailleraient à perte.
Les écorégimes, conditionnés au respect de critères environnementaux, prennent désormais une place centrale dans la structure des aides. Dans bien des cas, ces soutiens ne constituent plus un complément, mais la base même de la viabilité économique.
Un revenu horaire en dessous du seuil de pauvreté
Une autre mesure, moins visible mais tout aussi parlante, confirme la fragilité du secteur : le revenu horaire. Beaucoup d’éleveurs travaillent plus de 50 heures par semaine. Rapporté au temps de travail, leur rémunération passe souvent sous le SMIC net (1 426 € par mois pour 35h en 2025). Sur les petites exploitations, notamment en polyculture-élevage, le revenu annuel peut descendre sous la barre des 10 000 € par actif.
Ce niveau de rémunération pousse certains à abandonner l’activité, tandis que d’autres cherchent des compléments en dehors de la ferme. Le modèle agricole français ne tient plus uniquement sur la production, mais sur un cumul d’activités souvent éloignées du cœur de métier.
Loi Egalim : peu d’effet sur les revenus des éleveurs
La promesse d’un ruissellement vers les producteurs, formulée avec la loi Egalim, ne se concrétise toujours pas. Le SRP+10 — censé obliger la distribution à mieux rémunérer l’amont — n’a pas changé la donne. Selon l’UFC-Que Choisir, les marges supplémentaires sont absorbées par les industriels ou les distributeurs. Résultat : les éleveurs bovins et porcins ne perçoivent pas d’amélioration notable de leur revenu.
Le gouvernement planche sur une version 4 de la loi, mais les précédentes ont montré leurs limites. Tant que le rapport de force entre producteurs et acheteurs ne sera pas rééquilibré, la loi restera sans impact réel.
Le constat est clair : en 2025, l’élevage reste un métier à forte valeur sociale mais à faible valeur économique. La précarité de nombreux éleveurs, masquée par les moyennes statistiques, s’ancre dans la durée. Et la question de la transmission devient plus aiguë chaque année.


