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L’Union européenne étudie l’introduction d’une version dématérialisée de sa monnaie, portée par la Banque centrale européenne. Ce projet, qui accompagne la transformation rapide des usages de paiement, soulève déjà des interrogations politiques et bancaires.
Conçu depuis 2018-2019, cet euro digital viserait à offrir un accès direct à une monnaie publique, à alléger certains coûts de transaction et à réduire la dépendance aux infrastructures étrangères. Mais ses modalités, les garanties avancées et les charges envisagées alimentent un débat nourri au sein du secteur financier et des institutions européennes.
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Objectifs affichés et cadre de déploiement
La Banque centrale européenne étudie depuis plusieurs années la mise en place d’un euro numérique, présenté comme un complément aux espèces, dans un contexte marqué par le recul du liquide et l’essor de plateformes de paiement dominées par des acteurs américains. Cet instrument pourrait renforcer l’efficacité du système, limiter la dépendance à ces infrastructures et donner aux particuliers un accès direct à une monnaie publique garantie par l’État. Le quotidien évoque aussi une possible réduction des frais supportés par les commerçants.
Ce chantier se déroule alors que les États-Unis encouragent, via le Genius Act, des monnaies numériques privées indexées sur le dollar, renforçant ainsi l’influence du billet vert. Dans ce paysage en mutation, la BCE envisage un outil émis directement par elle, alors que les paiements actuels par carte ou smartphone reposent sur « une créance sur la propre banque du client, et non à de la monnaie de banque centrale ». Dans la version numérique, l’opération mobiliserait au contraire une unité émise par l’autorité monétaire elle-même.
Fonctionnement prévu, limites d’usage et confidentialité
Le dispositif prendrait la forme d’un portefeuille numérique installé sur un smartphone, aux côtés des cartes habituelles. Le paiement en magasin consisterait à approcher l’appareil du terminal, avec un transfert immédiat des fonds au commerçant, sans passer par une banque intermédiaire. Les établissements financiers resteraient néanmoins nécessaires pour alimenter le portefeuille, soit par virement depuis un compte courant, soit via un distributeur.
Ce portefeuille ne produirait aucun intérêt, une contrainte destinée à éviter une migration importante de l’épargne hors des banques. L’euro numérique serait accessible même sans connexion Internet et ne remplacerait pas les espèces, les billets et les pourboires continuant à circuler. En revanche, il ne pourrait être anonyme. La BCE affirme toutefois vouloir préserver la confidentialité : « L’euro numérique doit être conçu de manière à répondre aux attentes des citoyens en matière de confidentialité », rappelait Christine Lagarde en 2022.
Coûts annoncés, contestations et enjeux bancaires
Le projet doit rester gratuit pour les particuliers et moins onéreux pour les commerçants. La BCE estime les dépenses de développement à 1,3 milliard d’euros et les coûts annuels d’exploitation à environ 320 millions. Elle évalue également la charge pour les banques entre 4 et 5,8 milliards d’euros. Le secteur conteste ces estimations : une étude PwC chiffre ces coûts autour de 30 milliards.
Les établissements financiers redoutent aussi une diminution de leur rôle dans le système de paiement si, à terme, l’émission de cette monnaie devait s’éloigner des circuits bancaires.Le débat est d’autant plus vif que les banques européennes ont réalisé près de 200 milliards d’euros de bénéfices annuels ces dernières années.


