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La startup LaFraise, fondée par d’anciens salariés de Doctolib, annonce ce 16 novembre une levée de fonds de 3,2 millions d’euros. L’objectif : automatiser les tâches administratives des cabinets dentaires grâce à l’intelligence artificielle. Une solution qui s’attaque à un problème largement documenté dans le secteur, à l’heure où le marché des soins dentaires est en pleine croissance, mais où l’accès aux soins reste inégal.
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Une solution technologique née de l’expérience terrain
Créée en mai 2025 par quatre ex-Doctolib, LaFraise propose une suite d’agents IA destinés à automatiser le traitement des devis, les échanges avec les mutuelles, la signature électronique, et la gestion des options de financement patient.Pour les dirigeants de LaFraise, un dentiste passe trop de temps à gérer les tâches administratives et l’IA peut permettre de résuire fortement ce temps « perdu ».
En un an, la plateforme a été adoptée par plus de 1 200 praticiens. Le rythme d’acquisition actuel, de 250 nouveaux utilisateurs par mois, pourrait permettre à LaFraise d’atteindre les 5 000 utilisateurs d’ici fin 2026, soit près de 11 % du marché des cabinets dentaires indépendants en France. La startup revendique déjà plus de 30 000 soins acceptés en ligne via sa solution.
LaFraise s’inscrit dans une tendance de fond : l’émergence d’une nouvelle génération de startups issues des rangs de Doctolib. À ce jour, la licorne de la santé a donné naissance à au moins 12 startups créées par d’anciens collaborateurs, un phénomène souvent comparé à la “mafia PayPal” dans la tech américaine.
Arnaud Assous, figure de proue de LaFraise, n’en est pas à son premier projet. Il a dirigé Camshop France pendant 14 ans, une entreprise spécialisée dans la vidéosurveillance B2B, après un début de carrière en banque d’affaires chez Lincoln International et BNP Paribas. Ses cofondateurs, Thomas Cruzol et Julien Favre, sont eux aussi passés par Doctolib. Le quatrième cofondateur n’est pas encore identifié publiquement.
Un marché dentaire français en forte expansion
Le marché des soins dentaires en France a franchi les 16 milliards d’euros en 2024, en hausse de 5,3 % sur un an. Le nombre de chirurgiens-dentistes actifs a atteint 45 249 en 2023, selon la Drees, avec un ratio de 67 praticiens pour 100 000 habitants, en nette progression depuis 2019. Le nombre de centres de soins a doublé en cinq ans pour atteindre 1 312 établissements.
Mais cette croissance cache des disparités persistantes. En 2025, un tiers des Français déclare avoir renoncé à un soin dentaire jugé nécessaire. La réforme « 100 % Santé », lancée en 2019 pour supprimer les restes à charge sur certains actes, a permis une amélioration initiale de l’accès. Toutefois, la réduction progressive de la prise en charge par l’Assurance maladie depuis 2023 a entraîné un transfert de charges vers les mutuelles, contribuant à l’augmentation des renoncements.
Le devis dentaire, point de rupture du parcours patient
La gestion du devis est devenue une source majeure de friction dans les cabinets. Entre la rédaction, l’explication au patient, l’envoi aux mutuelles, les relances et les modifications, cette étape mobilise une part importante du temps des équipes. Selon les praticiens interrogés par Le Figaro, ce processus entraîne une perte de temps considérable et nuit à la qualité des soins.
C’est précisément ce point que LaFraise entend automatiser. Sa technologie permet un traitement des devis en 15 secondes, contre plusieurs minutes manuellement. L’affichage visuel des plans de traitement améliore l’acceptation des soins de 24 % en moyenne. La startup annonce jusqu’à deux heures de travail économisées par semaine et par praticien grâce à ses outils.
Une levée de fonds soutenue par les poids lourds du capital-risque européen
Le tour de table de LaFraise est soutenu par des fonds européens de premier plan. Le britannique 20VC, fondé par Harry Stebbings, mène cette levée. Connu pour ses investissements dans Linktree, BeReal et Sorare, le fonds gère aujourd’hui près de 650 millions de dollars d’actifs. Il est rejoint par Seedcamp, investisseur historique de Revolut, Wise et UiPath.
Côté français, Kima Ventures, le fonds de Xavier Niel, participe également à l’opération. Kima est l’un des fonds les plus actifs au monde, avec plus de 100 investissements par an, dont 31 dans l’IA en France. Enfin, Bpifrance Digital Venture complète le tour. La branche numérique de la banque publique investit de manière ciblée dans les technologies émergentes, notamment l’IA, et gère un fonds de 370 millions d’euros.
La levée doit permettre à LaFraise d’enrichir sa suite logicielle avec de nouveaux agents IA, adaptés à des cas d’usage identifiés sur le terrain. Elle vise également à accélérer le développement commercial sur le marché français et à préparer une expansion vers d’autres pays européens confrontés à des enjeux similaires : Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni.
Cette approche, centrée sur l’automatisation du parcours administratif et l’accompagnement financier du patient, distingue LaFraise de concurrents comme DentalMonitoring (IA de suivi orthodontique), Recept AI ou Dental Pilote. La startup occupe un créneau encore peu adressé : l’optimisation du back-office des cabinets et l’amélioration de l’expérience patient, dans une logique B2B2C.
L’IA dentaire, un secteur en plein boum
Le secteur de la dental tech évolue rapidement. Aux États-Unis, des premiers cas de chirurgie dentaire partiellement automatisée ont été enregistrés en 2024. En France, les algorithmes sont de plus en plus utilisés pour la planification des soins, la communication avec les laboratoires ou l’aide au diagnostic.
Mais des freins importants subsistent. L’accès aux outils numériques reste inégal, notamment en zone rurale. Les exigences de protection des données de santé imposent des contraintes réglementaires fortes. Enfin, l’expertise humaine reste centrale dans l’acte de soin, limitant le périmètre des automatisations.


