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- Les cinq points clés du dossier Mbappé–PSG
- Une mise à l’écart conflictuelle à l’origine du contentieux
- Des montants astronomiques : de 55 à 264 millions d’euros
- La stratégie de requalification au cœur du conflit
- Le CDD sportif spécifique face à ses limites juridiques
- L’accord oral allégué au centre des incertitudes probatoires
- Procédure directe et calendrier judiciaire incertain
- Un contentieux engagé dans la fenêtre de prescription
Ce lundi à 13 h, Kylian Mbappé et le Paris Saint-Germain s’affrontent devant le conseil des prud’hommes de Paris. L’ancien attaquant du club, aujourd’hui au Real Madrid, réclame jusqu’à 264 millions d’euros. Ce montant inclut des salaires, des primes, des congés payés, des indemnités et une demande de requalification de ses contrats à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI). Ce litige d’ampleur inédite, aussi bien financièrement que juridiquement, pourrait bouleverser durablement le cadre contractuel du football professionnel en France.
Les cinq points clés du dossier Mbappé–PSG
- Kylian Mbappé réclame jusqu’à 264 millions d’euros au PSG.
- Il conteste la nature de ses CDD et demande leur requalification en CDI, avec les indemnités associées.
- Une audience s’ouvre ce lundi 17 novembre devant le conseil des prud’hommes de Paris, en procédure directe.
- Le PSG réfute l’existence de dettes contractuelles et met en avant un accord verbal conclu à l’été 2023.
- Ce litige pourrait faire jurisprudence, avec des conséquences structurelles pour la gestion des effectifs en Ligue 1.
Une mise à l’écart conflictuelle à l’origine du contentieux
L’affaire trouve son origine à l’été 2023, lorsque Kylian Mbappé refuse de prolonger son contrat avec le PSG, tout en exprimant son intention de quitter le club libre à l’issue de la saison. En réaction, le joueur est exclu du groupe professionnel. Il n’est pas convié à la tournée de préparation au Japon et est placé dans un groupe d’entraînement parallèle, surnommé le « loft ».
Cette stratégie d’isolement, dénoncée par l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), s’est multipliée au cours de la saison 2023-2024 : l’organisation recense 187 joueurs de Ligue 1 ayant connu un traitement similaire. En juillet 2023, l’UNFP condamne publiquement cette pratique, la qualifiant de « contrainte morale et économique » visant à contraindre les joueurs à des concessions contractuelles.
Après plusieurs semaines de négociations, Mbappé est réintégré le 16 août 2023. Selon le PSG, un accord verbal aurait été conclu, par lequel le joueur aurait accepté de renoncer à une part substantielle des montants dus. En janvier 2024, dans un entretien sur RMC, Mbappé reconnaît publiquement un arrangement : « Avec l’accord que j’ai passé avec le président Nasser al-Khelaïfi, on a protégé toutes les parties ». Mais en novembre 2025, trois mois après son départ au Real Madrid, l’attaquant conteste l’existence d’un tel accord.
Des montants astronomiques : de 55 à 264 millions d’euros
Le litige repose sur deux niveaux financiers. La première somme, 55 millions d’euros, a fait l’objet d’une saisie conservatoire en avril 2025. Elle correspond à trois mois de salaire brut, des primes de signature, des primes d’éthique et des arriérés liés à la fin de contrat. Cette procédure démontre la détermination juridique du joueur.
Mais Mbappé va plus loin. Ses avocats formulent une demande globale de 264 millions d’euros. Cette somme agrège, en plus des 55 millions initiaux, des indemnités de rupture abusive, des dommages pour harcèlement moral, des congés payés non versés, et surtout les effets induits par une possible requalification de ses CDD en CDI.
Le PSG, de son côté, conteste à la fois les montants et les fondements juridiques. Le club estime que la saisie conservatoire est infondée, que l’accord verbal trouvé en août 2023 a une valeur probante, et qu’aucune somme n’est légalement due.
La stratégie de requalification au cœur du conflit
Plutôt que de se limiter à une action pour harcèlement moral, comme l’avait tenté Hatem Ben Arfa avec un succès très limité, Mbappé adopte une stratégie plus ambitieuse : faire reconnaître que ses contrats successifs avec le PSG doivent être considérés comme un CDI déguisé. Une telle requalification ouvrirait droit à plusieurs indemnités : compensation de préavis, congés payés non réglés, dommages pour rupture abusive et, potentiellement, reconnaissance de harcèlement moral.
Cette approche s’inspire du précédent Adrien Rabiot, qui a obtenu en juin 2025 la requalification de ses contrats en CDI après neuf années au PSG. La Cour d’appel de Paris avait alors estimé que le caractère temporaire du métier de footballeur ne justifie pas, en soi, le recours systématique au CDD.
Le CDD sportif spécifique face à ses limites juridiques
Depuis la loi du 27 novembre 2015, le Code du sport encadre l’usage du CDD spécifique dans le sport professionnel. Ce cadre légal fait du CDD la norme pour les contrats de joueurs, à condition que chaque renouvellement repose sur une évaluation sportive réelle.
Le PSG s’appuiera sur cette législation pour sa défense : les contrats de Mbappé ayant été renouvelés en 2022, donc bien après l’entrée en vigueur de la loi, ils relèvent pleinement du régime dérogatoire prévu par le Code du sport. Le club fera valoir que les renouvellements successifs résultaient de négociations libres, sans caractère fictif ou déguisé.
Mais les juges peuvent toujours apprécier si ces CDD dissimulent une permanence de l’emploi. Le caractère dérogatoire du droit sportif n’empêche pas, en principe, une requalification si les conditions de fond sont réunies. Cette appréciation sera au cœur de l’audience.
L’accord oral allégué au centre des incertitudes probatoires
Un point central du litige repose sur l’existence d’un accord verbal, par lequel Mbappé aurait accepté de renoncer à une partie des sommes qui lui étaient dues en échange de sa réintégration. Ce type d’accord est reconnu par le droit français, mais sa validité dépend des preuves.
Mbappé dispose d’éléments à double tranchant : sa propre déclaration en janvier 2024, les échanges entre ses représentants et ceux du PSG, et les mouvements financiers survenus à l’été 2023. De son côté, le PSG devra démontrer qu’un accord clair a été conclu, ce qui reste difficile sans écrit. L’enjeu est stratégique : si l’accord est validé, il affaiblit fortement la demande du joueur. Si sa réalité est écartée, les prétentions de Mbappé restent juridiquement intactes.
Procédure directe et calendrier judiciaire incertain
L’audience s’est ouverte le 17 novembre 2025 devant le bureau de jugement direct des prud’hommes de Paris. Cette procédure dérogatoire, utilisée en cas d’urgence ou de conflit complexe, permet de passer outre la phase de conciliation habituelle.
Toutefois, le calendrier judiciaire demeure long. À Paris, les délais d’instruction pour ce type de dossier varient entre 10 et 27 mois. Une décision n’est donc pas attendue avant fin 2026, voire 2027. S’y ajoutera probablement une procédure d’appel, pouvant prolonger le contentieux de plusieurs années.
Le dossier est par ailleurs juridiquement fragmenté : d’autres volets sont en cours devant les instances sportives (LFP, FFF) et le tribunal judiciaire de Paris, saisi par le PSG pour contester les décisions de la Ligue ayant validé une partie des sommes réclamées par Mbappé.
Un contentieux engagé dans la fenêtre de prescription
Conformément à l’article L.1471-1 du Code du travail, l’action en requalification d’un contrat se prescrit dans les deux ans suivant la fin du dernier CDD. Pour Mbappé, ce délai court jusqu’au 30 juin 2026. Sa saisine des prud’hommes en novembre 2025 s’inscrit donc dans le cadre légal, mais ne lui laisse que peu de marge pour d’éventuelles actions complémentaires.
L’audience de ce lundi pose des questions fondamentales sur le droit du travail dans le sport professionnel. En cas de requalification favorable, la décision pourrait faire jurisprudence et contraindre les clubs à revoir leur gestion des contrats de leurs joueurs. Cela fragiliserait le régime du CDD spécifique, aujourd’hui généralisé en Ligue 1.
Un jugement favorable au PSG, en revanche, conforterait ce régime et limiterait considérablement la portée des actions intentées par d’autres joueurs ayant prolongé leur contrat après 2015.


