Nicolas Bouzou, l’économiste préféré des grands patrons

Omniprésent dans les médias, Nicolas Bouzou impose une vision libérale pro-innovation qui interroge sur les frontières entre conseil, communication et influence.

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Omniprésent dans les médias, influent dans les cercles économiques, conseiller d’entreprises et promoteur assumé d’un libéralisme pro-innovation : Nicolas Bouzou s’est imposé comme l’un des visages les plus visibles de l’économie française. À la tête du cabinet Asterès, il conjugue expertise, communication et stratégie d’influence. Une position qui interroge sur les frontières – parfois poreuses – entre analyse, lobbying et storytelling.

Une figure médiatique

À 49 ans, Nicolas Bouzou est partout. Sur les ondes d’Europe 1, les plateaux de BFM Business, les colonnes de L’Express, les forums de débats et les dîners parisiens. Diplômé de Paris-Dauphine et de Sciences Po, passé par Xerfi, il fonde Asterès en 2006. Le cabinet lui sert de base arrière pour produire des études économiques sur commande et bâtir sa crédibilité auprès des décideurs.
Nicolas Bouzou n’est pas qu’un économiste : c’est un commentateur, un pédagogue, un vulgarisateur – et un militant du progrès par l’innovation. « Je suis quelqu’un qui écrit, qui s’exprime et qui essaye de faire passer à ses contemporains l’idée que le progrès partagé est encore possible » (Umanz, 2019). Un discours qui tranche avec la morosité ambiante, et qui séduit une partie de l’opinion.

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Asterès : boîte à idées, vitrine d’influence

Le cabinet Asterès, bras armé de Bouzou, fonctionne à la croisée du conseil, de la communication et de la production d’expertise. Selon son site, il vise à « marier le meilleur du monde intellectuel et entrepreneurial » (Asterès.fr, 2025). Avec une quarantaine d’études par an, pour des clients comme LVMH, Uber, ADP ou des mutuelles, Asterès a trouvé son marché.
Les tarifs sont accessibles pour un cabinet de ce type – autour de 25 000 euros l’étude – ce qui favorise leur reprise dans les médias et les institutions. Mais certaines commandes laissent planer un doute sur leur indépendance. En 2015, Uber fait appel à Bouzou pour une étude à 10 000 euros, assortie d’un « service après-vente auprès de la presse et des parlementaires » (Uber Files, 2022). Il se défend : tout est encadré par une « charte éthique », le client est toujours identifié (Nicolas Bouzou, 2022).

La frontière floue entre étude et playdoyer

Les critiques reviennent régulièrement : Bouzou produit des études qui servent des causes bien identifiées. Il soutient EuropaCity, défend la privatisation d’Aéroports de Paris (client de son cabinet), et met en valeur l’impact économique de LVMH lors de son assemblée générale en 2022. « Quelle chance pour notre pays ! », s’exclame-t-il à propos du groupe (X, janvier 2025). « Le problème de la France c’est qu’il nous faudrait dix fois plus de LVMH » (X, janvier 2025).

Un modèle assumé, selon Challenges : « le succès du cabinet repose largement sur l’image de Bouzou et sa ligne macroniste pro-business » (Challenges, 2025). Un consultant cité dans l’enquête souligne sa capacité à « placer des idées dans le débat public » et à « fréquenter les dîners influents » (Challenges, 2025).

Réseaux, think tanks et stratégie d’influence

Bouzou ne se limite pas à commenter : il organise, structure, anime. Il est vice-président du Cercle Turgot, membre du Cercle Mozart, cofondateur du Cercle de Belém. Il préside aussi les Rencontres de l’Avenir à Saint-Raphaël, où se croisent décideurs, patrons et élus autour d’un mot d’ordre : « raison, progrès, honnêteté intellectuelle » (Rencontres de l’Avenir, 2025).
Il défend clairement les réformes portées par Emmanuel Macron. La réforme des retraites de 2023 ? « Une réforme de gauche », assure-t-il, « les perdants sont les hauts revenus, les gagnants sont les précaires » (YouTube, 2025). Et il pourfend les reculs : « Revenir sur une réforme comme ça, c’est une sorte de masochisme, de pathologie » (YouTube, 2025).

Sa ligne économique est limpide : baisse des dépenses publiques, refus de toute hausse d’impôts, et pari sur l’innovation. Sur BFM Business, il déplore que le budget 2025 repose sur « 30 milliards d’euros de hausses fiscales » (BFM Business, novembre 2025), alors qu’il aurait fallu « deux tiers d’économies sur la dépense publique » (BFM Business, novembre 2025).

Son dernier livre, La Civilisation de la peur, prolonge cette vision : « Le travail sera moins pénible, une grande partie de la population vivra cent ans en bonne santé, l’humanité aura freiné le réchauffement climatique » (XO Éditions, 2024). Une lecture du futur résolument optimiste, qui le place à contre-courant d’une partie de ses confrères.

Une présence médiatique qui agace

Cette omniprésence finit par susciter des contre-feux. Acrimed, Arrêt sur images, Stup Media, Marianne dénoncent son rôle d’« économiste de service » ou de « faux économiste » (Acrimed, 2022 ; Arrêt sur images, 2022 ; Stup Media, 2025). Causeur l’accuse de « mauvaise foi » sur les chiffres du chômage (Causeur, 2018), Sciences² critique son approche « rétrospective » sur le climat (Sciences², 2023).
Au fond, c’est la nature même de son activité qui fait débat : ses études éclairent-elles vraiment ? Ou participent-elles à une communication bien huilée ? L’économiste Brigitte Dormont est sévère : « Ces études reprennent les arguments classiques du lobby pour éviter de poser la question des frais de gestion redondants entre le public et le privé » (Challenges, 2025).



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