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Une coupe budgétaire discrète mais significative pourrait exclure plusieurs centaines de milliers de foyers précaires de la prime de Noël dès 2026. Prévue dans le projet de loi de finances, la mesure vise spécifiquement les allocataires sans enfant. Le gouvernement défend un recentrage budgétaire au nom du déficit de la Sécurité sociale. Mais sur le terrain, les conséquences sociales risquent d’être lourdes.
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Créée en 1998 par le gouvernement Jospin, la prime de Noël est versée chaque année à plus de 2,3 millions de foyers bénéficiaires de minima sociaux, principalement le RSA. Son montant, inchangé depuis sa création (152,45 euros pour une personne seule), n’a jamais été revalorisé malgré l’inflation. Aujourd’hui, cette prime représente une aide essentielle pour les ménages précaires au moment des fêtes de fin d’année.
Jusqu’ici, le dispositif était reconduit chaque année par décret. Son statut juridique reste fragile : contrairement au RSA ou aux allocations familiales, elle ne fait l’objet d’aucune inscription dans la loi. Cette précarité administrative en fait une aide aisément modifiable. C’est ce que le gouvernement s’apprête à faire pour 2026.
Un recentrage budgétaire ciblé
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une réduction de 205 millions d’euros du budget alloué à la prime de Noël, qui passerait de 466,5 millions à 261,5 millions d’euros. Cette baisse correspond précisément au montant versé aux foyers sans enfant. Selon les chiffres des CAF, ces foyers constituent une part significative des allocataires du RSA.
Dans les faits, cette suppression concernerait des personnes seules, des couples sans enfants, souvent sans emploi ou en contrats précaires, vivant avec moins de 650 euros par mois. Pour eux, les 152 euros versés en décembre ne sont pas un bonus ponctuel, mais une bouffée d’air pour couvrir les dépenses de chauffage, de transport ou de nourriture.
Le gouvernement invoque la rigueur budgétaire
Interrogé sur France Inter le 4 novembre, le ministre du Travail et des Solidarités, Jean-Pierre Farandou, a justifié cette mesure en évoquant l’urgence budgétaire. Le déficit de la Sécurité sociale est estimé à 23 milliards d’euros pour 2025. « Il faut accepter l’idée que la générosité qu’on a connue pendant des décennies est peut-être arrivée à son terme », a déclaré le ministre. « Je pense qu’il faut accepter un recentrage », a-t-il ajouté.
Le gouvernement défend une mesure d’ajustement budgétaire qui ne remet pas en cause, selon lui, l’essence du dispositif, puisqu’il serait maintenu pour les foyers avec enfants. Cette ligne de défense laisse pourtant de côté l’ampleur de la population concernée et l’absence d’alternative pour ceux qui seront exclus.
Des effets concrets sur les plus précaires
La suppression de la prime de Noël pour les foyers sans enfant intervient dans un contexte où ces publics disposent déjà d’un accès restreint à de nombreuses aides. Les personnes seules sans enfant ne perçoivent ni allocations familiales ni compléments d’activité. Nombre d’entre elles cumulent des statuts instables : chômeurs en fin de droit, travailleurs pauvres, jeunes précaires.
D’après les dernières données de la CAF, le nombre de foyers allocataires du RSA sans enfant est en hausse de 2,8 % sur un an. La réforme toucherait donc une population déjà en expansion, dont les marges budgétaires sont inexistantes. Pour ces bénéficiaires, la prime de Noël représentait souvent l’équivalent d’un quart de leurs dépenses mensuelles.
Une inquiétude grandissante
L’annonce a provoqué des réactions dans l’opposition. Le député Manuel Bompard (LFI) a dénoncé une mesure « ignoble », pointant le ciblage d’une population « déjà précarisée ». Du côté des associations, les grandes structures comme le Secours populaire ou ATD Quart Monde n’ont pas encore communiqué officiellement, mais plusieurs acteurs locaux font état d’une inquiétude croissante. En cas de suppression, une hausse des demandes de colis alimentaires et d’aides de fin d’année est redoutée.
Des témoignages recueillis dans plusieurs villes confirment cette tension. À Marseille, un père isolé, bénéficiaire du RSA, résume la situation : « L’an dernier, grâce à cette prime, j’ai pu offrir un vrai repas à mes enfants. Cette année, je ne sais pas comment je vais faire. »
Une aide sans filet de secours
Le gouvernement n’a prévu aucune mesure de compensation pour les publics exclus. Contrairement aux familles monoparentales, qui avaient bénéficié d’une majoration temporaire de la prime en 2023, les personnes sans enfant ne disposeront d’aucun dispositif équivalent. Pour ces bénéficiaires, l’aide de Noël constituait l’un des seuls soutiens exceptionnels accessibles.
Le montant forfaitaire du RSA pour une personne seule est actuellement de 646,52 euros. Une aide de 152 euros représente donc plus de 23 % du revenu mensuel. Sa suppression risque d’aggraver la précarité matérielle à une période de l’année marquée par des dépenses incompressibles : chauffage, alimentation, transports.
Un débat parlementaire encore ouvert
L’avenir de la mesure dépend de l’adoption définitive de la loi de finances. Le texte est toujours en discussion à l’Assemblée nationale. Avec plus de 2 400 amendements en attente, les débats risquent de se prolonger jusqu’en décembre. Plusieurs scénarios restent possibles : adoption en l’état, amendement de la mesure, rejet global du budget, voire passage en ordonnances.
Le ministre Farandou s’est dit ouvert à la discussion, mais à une condition : « Ce que je demanderai à chaque fois, c’est quelle est l’économie ou la recette qui va avec. » Une manière de signifier que toute tentative de réintégrer les publics exclus devra être compensée par une coupe ailleurs.


