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Le gouvernement veut doubler les franchises médicales. Une décision technique ? Pas vraiment. Elle pourrait faire grimper le reste à charge de millions de patients, en particulier les plus fragiles. Rejetée par la commission des affaires sociales, la réforme reste pourtant dans les tuyaux. Car ce levier budgétaire reste facile à actionner. Trop facile.
Ce n’est pas la première fois. Fin mars 2024, les franchises avaient déjà doublé : 0,50 à 1 euro pour les médicaments, 2 à 4 euros pour les transports sanitaires. Puis en mai, les consultations ont aussi été rehaussées. Le gouvernement ne s’en cache pas : il veut remettre ça.
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Dans l’article 18 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026, les franchises passeraient à 2 euros pour les médicaments et les soins paramédicaux, 4 euros pour les consultations, les radios et les analyses, 8 euros pour les transports sanitaires. S’y ajouteraient les consultations dentaires et les dispositifs médicaux.
Plafond annuel rehaussé à 200 euros – 100 pour les franchises, 100 pour les participations forfaitaires. Aujourd’hui, c’est 150 au total. À la clé : 2,3 milliards d’euros d’économies, selon le Haut Conseil des Finances publiques.
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Officiellement, l’impact serait limité : 42 euros de plus par an pour un patient moyen, selon le gouvernement. Mais ce chiffre masque des écarts. Les personnes atteintes d’affections de longue durée, elles, paieraient environ 72 euros de plus. Et ce, sans compter la suppression prévue de certaines exonérations.
Dans les faits, 18 millions de Français resteraient protégés : enfants, femmes enceintes, bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire, invalides de guerre… Mais pour les autres, l’addition pourrait grimper vite.
Un front du refus large et déterminé
Le 28 octobre, la commission des affaires sociales de l’Assemblée a dit non. De l’extrême gauche à l’extrême droite, les députés ont voté contre. Même Frédéric Valletoux, ancien ministre de la Santé, a tiré la sonnette d’alarme : « Ce n’est pas aux patients de payer l’absence de réforme structurelle. »
Quelques jours plus tard, la commission a rejeté tout le projet de loi. Mais l’affaire est loin d’être close : le gouvernement peut passer en force par décret. Car les franchises relèvent du pouvoir réglementaire.
La Caisse nationale d’assurance maladie s’est prononcée contre, tout comme les syndicats de salariés, les associations familiales et France Assos Santé. Ils dénoncent un passage en force, au mépris du dialogue social. Seuls le Medef et la CPME soutiennent la réforme.
Côté médecins, l’Ordre évoque un tournant inquiétant. Les pharmaciens, eux, refusent de devenir percepteurs. Leur fédération alerte sur une détérioration du lien avec les patients.
Responsabilisation ou illusion comptable ?
Le gouvernement avance l’argument classique : responsabiliser les patients, limiter les soins superflus. Mais les chiffres contredisent cette idée. Depuis l’instauration des franchises en 2008, les dépenses de soins n’ont jamais baissé.
Pour la CFTC, cette logique pèse sur les malades sans effet réel. Les syndicats plaident pour un virage vers la prévention et l’éducation à la santé, pas pour une accumulation de taxes à l’usage.
En 2008, le Conseil constitutionnel avait prévenu : les franchises ne doivent pas remettre en cause le droit à la santé. France Assos Santé estime que le nouveau plafond de 200 euros annuels franchit cette ligne rouge, notamment pour les plus fragiles.
Un chiffre trompeur : 9,2 %
Le gouvernement rappelle que le reste à charge des Français reste parmi les plus faibles d’Europe. Mais le chiffre – 9,2 % des dépenses de santé – ne dit pas tout. Il ne suffit pas à justifier une réforme brutale. Comparer la France à la Suisse, où les franchises montent à 2 625 euros par an, n’a guère de sens : les modèles sont incomparables.
Au milieu de cette bataille, une proposition citoyenne tente autre chose : un « chèque sport-santé » de 500 euros pour les personnes en ALD. Objectif : financer une activité physique adaptée. Une goutte d’eau dans le débat, mais qui change de logique. Prévenir plutôt que guérir. Investir plutôt que ponctionner.
Le dernier mot ne sera pas pour tout de suite
Le PLFSS est encore en discussion à l’Assemblée. Le gouvernement pourrait recourir à l’article 49.3 pour passer en force. Ou attendre. Car la réforme pourrait aussi revenir par décret. Le calendrier reste flou. L’intention, elle, ne l’est pas.
Derrière cette réforme, une question centrale : qui doit porter le poids du financement de notre système de santé ? Les patients, à coup de franchises ? Ou la collectivité, par une refonte plus ambitieuse du modèle ? Le gouvernement a choisi la voie rapide. Mais pas forcément la plus efficace.


