La marque française Veja a vu le jour grâce à François-Ghislain Morillion et Sébastien Kopp, deux jeunes hommes… qui ne connaissaient pas grand-chose aux baskets mais se rêvaient entrepreneurs (diplômés d’HEC et de Paris-Dauphine).
Cette envie de penser une autre mondialisation leur est venue lors d’un audit dans une usine textile chinoise dont les modes de fabrication étaient classiques mais où ils ont pu constater que les conditions de vie des ouvrières étaient déplorables.
Fair trade et fabrication respectueuse furent les maîtres mots dès le démarrage de Veja en 2004. Tout a commencé par la recherche de matières écologiques, coton bio, caoutchouc sauvage achetés au Brésil et au Pérou à des prix élevés par rapport au marché mondial…
Veja prend le contrepied du secteur
Le modèle de la marque se veut totalement différent de l’existant, et tant pis pour les coûts ou pour les raisonnements business model habituels. Les matières, les conditions de travail, le recyclage sont synonymes d’un prix de revient industriel nettement plus élevé qu’en Asie.
La production écoresponsable choisie par les dirigeants est donc comparativement chère, en contrepartie, le choix a été fait de sacrifier la communication publicitaire, là encore en total contrepied des Nike, Adidas et autres grands du secteur. Dans le prix d’une basket classique, environ 30% correspond au prix du produit en tant que tel. Ce ne sera pas la politique de Veja.
La marque a su se promouvoir comme le prouvent les ventes réalisées en e-commerce, des collaborations ont également vu le jour avec d’autres marques ou designers, comme Agnès.b, Bleu de Paname ou Marni entre autres. Ces caractéristiques marquantes font le succès de la marque, qui a rapidement séduit ses premiers clients, mais elles ont été et sont encore autant de difficultés à surmonter, car de nouveaux défis ne cessent de se présenter.
Pour autant, la motivation et la volonté des cofondateurs restent identiques. Ils recherchent et développent de nouvelles matières, telles que matériaux faits à partir de bouteilles de plastique recyclées, de déchets de riz ou de canne à sucre. Après plusieurs expériences sur le cuir de vache tannée de façon végétale et le cuir de poisson, la marque a finalement pris la décision de travailler le CWL, « Cotton Worked as Leather », un « cuir » à base de déchets de maïs et d’huile de ricin. La production est depuis la création basée au Brésil…
Le défi européen de Veja
La production est le centre stratégique de Veja, la décision de commencer une fabrication en Europe, au Portugal, fut donc mûrement réfléchie, le Brésil ayant été jusque-là le pays de prédilection avec des équipes travaillant 40 heures par semaine, soit quasiment moitié moins qu’en Asie.
L’option Europe et le choix du Portugal ne sont pas le fruit du hasard, ce pays dispose de nombreuses usines et d’un vrai savoir-faire. La gamme portugaise est encore limitée, les approvisionnements ont dû être réorganisés pour sourcer à proximité, cette nouvelle aventure concourt à rééquilibrer géographiquement les ventes de l’entreprise en développant la clientèle européenne.
Veja a en effet, déjà séduit les États-Unis, mais ne réalise qu’un tiers de son chiffre d’affaires en Europe, où les gammes arrivent principalement via transport maritime. L’opération Portugal a pour but de renforcer ce vecteur de croissance. Cela passe également par la poursuite d’ouvertures de boutiques, même si elles restent rares. Paris, New York, Bordeaux, Berlin et Madrid ont ouvert au fil des années.
Face aux enjeux actuels, Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion auraient-ils trouvé la solution du prix juste ? C’est, en effet, leur intention avec une gamme « premium accessible ». Impossible de faire des miracles, la clientèle de la marque est évidemment sensibilisée à la question d’une consommation éthique et prête à honorer le prix fixé. Mais les deux dirigeants sont convaincus que les consommateurs manquent cruellement d’informations sur la façon dont sont fabriqués les produits à bas prix qu’ils achètent. Peu importe, cela n’empêche pas le duo de contribuer à construire à leur manière un chemin vers un monde meilleur.
Virginie de Guermantes
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