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À Thiers, au cœur du Puy-de-Dôme, Roger Orfèvre perpétue un savoir-faire industriel français. Spécialisée dans la coutellerie, les arts de la table et les objets en bois, cette PME familiale incarne une exception dans un secteur en recomposition. Depuis 2021, les trois enfants du dirigeant défunt – Élise, Rémi et Thibault Sozedde – ont pris les rênes de l’entreprise, assurant une transmission sans rupture.
Cette relève intergénérationnelle reste rare en France. Près d’un dirigeant de PME sur deux, âgé de 60 à 69 ans, n’a pas prévu de succession. Moins de 10 % des entreprises de taille intermédiaire réussissent à passer le flambeau en famille. Roger Orfèvre fait figure d’exception.
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Thiers, capitale française du couteau
L’entreprise s’appuie sur un ancrage solide à Thiers, bastion historique de la coutellerie. Près de 80 % de la production française y est concentrée, portée par une centaine d’acteurs industriels et plus de 1 600 emplois. Roger Orfèvre a bâti sa croissance en misant sur la qualité, l’authenticité et l’innovation, tout en profitant d’un écosystème local dense en compétences.
Cette implantation territoriale reste l’un des piliers du développement de l’entreprise. En retour, elle contribue activement à la vitalité économique du bassin thiernois.
Une saga industrielle née dans un garage
L’histoire débute en 1966 avec Roger Sozedde, simple polisseur, qui transforme son garage en atelier. Il sillonne les routes pour vendre ses plats en inox et décroche ses premiers contrats nationaux, notamment avec les Galeries Lafayette. Dans les années 1970, il passe à la vitesse supérieure : création d’une usine, intégration d’une menuiserie, production d’articles en bois – dont les célèbres plateaux à fromages.
En 1978, il rachète Delinox, marque fondée en 1924. Ce rachat permet aujourd’hui à la société de célébrer son centenaire. Après son fils Jean-François, puis son petit-fils Philippe, la troisième génération assure désormais la relève, avec un recentrage stratégique sur le design et la diversification de la gamme.
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L’innovation au cœur du modèle économique
Roger Orfèvre mise depuis plusieurs années sur des matériaux innovants. En 2009, l’entreprise introduit le Paperstone®, un composite issu de papier recyclé, résistant à l’eau, aux UV et à la chaleur. Ce matériau équipe aujourd’hui plusieurs produits phares, comme les planches à découper ou les manches de couteaux.
Autre innovation brevetée : le système K-LOCK pour couteaux pliants, pensé pour plus de sécurité et de durabilité. La PME multiplie les best-sellers : guillotines à saucisson, paniers en bois, bouchons et dessous de plat vintage. Membre actif de la Fédération Française de la Coutellerie, Roger Orfèvre fut aussi l’une des premières à obtenir le label « Esprit de Thiers ».
Cap sur l’export malgré les tensions mondiales
Depuis 2017, Rémi Sozedde pilote la stratégie. Après deux années de croissance (+5,8 % en 2022, +5,9 % en 2023), l’activité a reculé en 2024 (-4,6 %), plombée par les tensions commerciales, notamment avec les États-Unis. Or, ce marché représente jusqu’à 50 % du chiffre d’affaires de certaines entreprises françaises du secteur.
Malgré ce contexte incertain, l’entreprise bénéficie du regain d’intérêt pour les produits locaux et durables. Ce positionnement artisanal et écoresponsable devient un atout.
Préserver le « fabriqué en France »
La nouvelle génération mise sur le long terme. Objectif : maintenir la production en France, valoriser les compétences locales et répondre aux attentes d’un marché en quête de traçabilité. Le rendez-vous est pris pour le festival Coutellia de mai 2026, vitrine internationale du couteau. L’exposition Talents #2 mettra aussi en lumière cette relève familiale qui croit encore à l’industrie de proximité.