Résumé Résumé
Une promesse trahie. Une fois de plus. ArcelorMittal abandonne le projet de construction de quatre fours à chaux à Gravelines, dans le département du Nord. Un investissement annoncé à près de 100 millions d’euros, arraché à grand renfort de discours sur la décarbonation industrielle et l’ancrage territorial. À ses côtés, deux partenaires : le Groupe Carrières du Boulonnais et Sigma Roc, censés incarner cette coopération vertueuse entre filières. Le but ? Fournir en chaux bas carbone le site de production d’acier de Dunkerque, pilier du patrimoine sidérurgique régional.
À la clé, une quarantaine d’emplois — autant de vies suspendues à la parole d’un géant de l’acier. Mais aujourd’hui, la promesse s’évanouit. Officiellement : des dépassements budgétaires et des retards de calendrier. Officieusement : un nouveau coup de canif dans le contrat moral qui lie une entreprise à son territoire.
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Une saignée industrielle maquillée en réorientation
Ce renoncement n’est pas un épiphénomène. Il s’inscrit dans une série de reculs, une logique de retrait méthodique. Fin 2024, ArcelorMittal suspendait un investissement colossal de 1,8 milliard d’euros, censé être le cœur battant de la décarbonation du site de Dunkerque. Puis venait un replâtrage : maintien partiel du projet, mais raboté à 1,2 milliard d’euros, et recentré autour d’un four électrique. L’emballage reste vert, mais le contenu se délite.
Sur le papier, la stratégie semble toujours en place. Dans les faits, elle s’effondre par pans entiers. Ce sont des gestes de désengagement, masqués par un discours de transition. La réalité brute, elle, s’écrit en chiffres et en sueur : 636 suppressions de postes annoncées, touchant directement les sites de Dunkerque et Florange — deux bastions historiques de la sidérurgie française.
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Le Nord abandonné, encore et toujours
Derrière la technicité des chiffres et le vernis des communiqués de presse, ce sont des territoires qui vacillent. Le Nord, une terre façonnée par le labeur ouvrier et les combats sociaux, voit se répéter le même scénario : des annonces, des espoirs, puis des renoncements. Chaque fois, la même mécanique — promesse d’investissement, puis recul stratégique, enfin licenciements. Un cycle de désindustrialisation qui ne dit pas son nom, mais dont les marques s’inscrivent dans les corps et les paysages.
À Gravelines, comme à Dunkerque, les élus locaux, les syndicats et les habitants s’interrogent : quelle est la véritable stratégie d’ArcelorMittal ? Peut-on encore croire aux engagements climatiques et industriels du groupe, alors que chaque pas en avant semble suivi de deux pas en arrière ?
Une transition sabotée par ceux qui la promettent
Ce dernier abandon ne relève pas d’un accident industriel, mais d’une logique froide de gestion par le retrait. Et c’est là toute l’ambiguïté : en affichant des ambitions climatiques, ArcelorMittal s’inscrit dans l’air du temps. Mais derrière la communication sur la neutralité carbone, les actes traduisent une stratégie de rationalisation, voire de désengagement pur et simple.
La question n’est pas seulement économique. Elle est éminemment politique. Car elle engage la parole publique, la confiance dans la transition écologique, et le droit des territoires à un avenir digne. Le groupe affirme maintenir ses objectifs environnementaux — mais à quel prix, et pour quels territoires ?
Une rupture de confiance
Dans le Nord, on n’oublie pas. On n’oublie pas la fermeture d’Usinor à Denain. On n’oublie pas la bataille de Florange. On n’oublie pas les discours sur la « réindustrialisation verte », souvent répétés, rarement concrétisés.
Aujourd’hui, c’est à Gravelines que la réalité rattrape les promesses. Et demain ? Jusqu’où ira le désengagement d’un groupe qui, malgré ses profits colossaux, semble de moins en moins prêt à tenir parole là où elle est attendue avec le plus d’urgence ?