Afficher le résumé Masquer le résumé
L’intention est louable : faire contribuer davantage les ultra-riches. Mais la méthode choisie pourrait créer des dégâts collatéraux. La taxe Zucman, du nom de l’économiste Gabriel Zucman, veut instaurer un impôt minimum de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. En ligne de mire : les grandes fortunes. Mais sur le terrain, ce sont les fondateurs de start-ups, souvent riches sur le papier mais pauvres en cash, qui risquent d’en faire les frais.
A LIRE AUSSI
Macron et Lecornu ne veulent pas de la Taxe Zucman
La taxe Zucman, une rupture avec l’exonération des outils de travail
La formule diffère de l’ancien ISF. Ici, tous les actifs comptent, y compris le patrimoine professionnel. Un tournant. Car l’ISF, lui, excluait les outils de travail. Le message est clair : la richesse, quelle que soit sa forme, doit être taxée. Même si elle n’est pas liquide.
Le cas d’Arthur Mensch illustre parfaitement ce paradoxe. Le patron de Mistral AI, valorisé à plus de 11 milliards d’euros, détient une participation théorique de 2,64 milliards. Résultat : une facture fiscale de 52,8 millions d’euros par an. Pour un dirigeant qui touche un salaire de 150 000 euros. « Je ne pourrais évidemment pas payer cette taxe », a-t-il lâché, sans détour.
A LIRE AUSSI Taxe Zucman : justice fiscale ou risque économique ?
Zucman propose un paiement en actions. Une solution technique, mais politiquement inflammable. Car à terme, l’État pourrait devenir actionnaire majeur dans des entreprises privées. Un scénario que redoutent nombre d’entrepreneurs. Philippe Corrot, cofondateur de Mirakl, n’y voit qu’un risque de prise de contrôle publique à bas bruit.
Les start-up en première ligne
La French Tech a réagi. Le 14 septembre, 36 personnalités ont signé une tribune contre une taxe jugée déconnectée des réalités de l’innovation. Ils dénoncent une triple erreur : mauvaise compréhension du fonctionnement des start-ups, dilution potentielle du capital des fondateurs, perte d’attractivité. Et rappellent que les États-Unis, eux, déroulent le tapis rouge aux innovateurs étrangers.
Le débat a trouvé une caisse de résonance lors du FDDay. Sur scène, Zucman a défendu sa réforme face à Philippe Aghion. Ce dernier propose une version atténuée : taux abaissé à 1,5 %, avec exonération pour les entreprises de moins de dix ans. Zucman a maintenu sa ligne : seuls quelques cas mériteraient des aménagements, pas une remise en cause du principe.
Un risque d’exil fiscal
Les chiffres, eux, s’entrechoquent. Zucman table sur un rendement fiscal de 15 à 25 milliards d’euros par an. D’autres, comme Christian Gollier ou Xavier Jaravel, évoquent plutôt 5 milliards. En cause : les stratégies d’optimisation et les risques d’exil fiscal. Le Conseil d’analyse économique a déjà montré que trois quarts des recettes potentielles d’un impôt sur la fortune peuvent s’évaporer.
La question juridique complique encore l’équation. En 2012, le Conseil constitutionnel avait censuré une taxation jugée confiscatoire. Sans plafonnement, la taxe Zucman pourrait connaître le même sort. L’idée de forcer un entrepreneur à vendre des parts de son entreprise pour payer son impôt pourrait heurter le principe d’égalité devant les charges publiques.
Les propositions d’ajustement pour préserver l’écosystème tech
Le problème dépasse les seuls cas emblématiques. Il révèle un décalage plus large entre les logiques de valorisation boursière ou spéculative, et la réalité opérationnelle des jeunes entreprises. Une licorne comme Mistral AI reste, au fond, une PME au sens du chiffre d’affaires, même si sa valorisation la place dans la cour des géants. La fiscalité ne semble pas avoir encore intégré cette nuance.
Même les entreprises cotées ne sont pas à l’abri. Octave Klaba, le fondateur d’OVHcloud, a dû racheter des actions pour sécuriser ses positions. Une stratégie coûteuse, mais peut-être nécessaire dans le nouveau paysage fiscal.
Le risque n’est pas seulement individuel. Il est systémique. La taxation du patrimoine professionnel pourrait refroidir les investisseurs, notamment étrangers. Mistral a levé des fonds auprès de Nvidia et ASML. Des partenaires qui regardent aussi la stabilité juridique et fiscale du pays où ils investissent. Si la France devient un terrain incertain, ils iront voir ailleurs.
Des voix se font entendre pour corriger le tir. Philippe Aghion plaide pour une taxe allégée. Le député socialiste Philippe Brun veut exonérer les start-ups. D’autres évoquent un échelonnement du paiement, mais difficile à mettre en œuvre sur un impôt annuel. À l’étranger, aucune économie comparable n’a adopté un tel dispositif. La France ferait cavalier seul. Et risquerait, une fois encore, de se tirer une balle dans le pied.
La taxe Zucman pose une vraie question de fond : comment taxer équitablement les plus riches sans pénaliser l’innovation ?


