Résumé Résumé
En 2024, le marché du snacking hors domicile en France a atteint 22,3 milliards d’euros, selon les données du salon Snack Show et du cabinet Strateg’eat. Avec 2,1 milliards de repas servis, il représente 38 % du chiffre d’affaires de la restauration commerciale et 45 % des prestations. Cette dynamique se maintient malgré l’inflation post-Covid. Les pizzas dominent (46 %), suivies des burgers (31 %) et des sandwichs (28 %). Le panier moyen s’établit à 12,67 euros pour une consommation sur place, signe d’une montée en gamme progressive de l’offre.
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Les boulangeries artisanales fragilisées
La France compte encore environ 35 000 boulangeries-pâtisseries artisanales en 2025, soit une pour moins de 2 000 habitants. Ce secteur génère 15,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie plus de 180 000 personnes. Les artisans restent en tête sur la vente de pain, avec 60 % des volumes, contre 38 % pour la grande distribution. Pourtant, la rentabilité recule. En 2024, le taux de marge a perdu 1,2 point, sous l’effet de la hausse des matières premières et de la montée en puissance des acteurs industriels.
Malgré un attachement fort des Français – 72 % fréquentent régulièrement leur boulangerie artisanale – un quart des établissements ferment avant cinq ans, en particulier dans les zones rurales. La pression concurrentielle des grandes surfaces et des chaînes pèse lourd sur les structures indépendantes.
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L’offensive des chaînes et grandes enseignes
Certaines enseignes bouleversent l’équilibre du secteur. Marie Blachère dépasse désormais le milliard d’euros de chiffre d’affaires avec plus de 850 points de vente en France et à l’étranger. Son modèle repose sur des formats XXL en périphérie, des marges de 15 à 20 %, des prix agressifs et un déploiement urbain via le concept Café Marie Blachère.
D’autres enseignes comme Feuillette ou Ange développent un positionnement hybride mêlant franchise, merchandising émotionnel et offre étendue. Ces acteurs représentent déjà 18 % du marché de la boulangerie-pâtisserie artisanale en volume, captant une part croissante de la clientèle traditionnelle.
Les enseignes de distribution ne restent pas en marge. Casino a lancé son plan Renouveau avec des corners “Cœur de Blé” dans ses magasins de proximité. Dans certains Casino Shop, le snacking pèse déjà 30 % du chiffre d’affaires. Monoprix et Franprix renforcent également leur position avec des formats dédiés à la restauration rapide, sur place ou à emporter. À Paris, Franprix détient 38 % de parts de marché sur ce segment ; Casino atteint 50 % à Lyon.
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Technologies et dark kitchens accélèrent la transformation
Face à cette pression, certaines enseignes misent sur l’innovation technologique. La chaîne Ange a déployé l’intelligence artificielle dans la gestion de ses points de vente. L’outil Helean optimise la production, les stocks et les commandes en croisant données de ventes, météo et calendrier local. Résultat : 20 % d’invendus en moins, 15 % de marge en plus et une offre mieux ajustée à la demande dans plus de 120 magasins.
En parallèle, le modèle des dark kitchens s’impose. Ces cuisines sans salle, dédiées uniquement à la livraison, génèrent déjà 3,3 milliards d’euros en 2024, avec plus de 1 500 établissements en France. Leur croissance atteint 50 % par an. Grâce à des coûts d’exploitation réduits et à une grande flexibilité, la rentabilité peut grimper jusqu’à 17 % du chiffre d’affaires, contre 5 à 8 % pour un restaurant traditionnel.
Les artisans tentent de réagir
Face à cette recomposition du marché, les boulangeries artisanales cherchent à se réinventer. La montée en gamme s’impose comme une réponse stratégique. Les pains spéciaux représentent désormais plus de 40 % des ventes. Le bio pèse 546 millions d’euros. Le sourcing local, le levain traditionnel et les ingrédients d’appellation renforcent une différenciation fondée sur la qualité et la transparence.
L’offre snacking maison se développe : restauration à emporter, produits cuisinés sur place, coffee shops, références enrichies en protéines ou allégées en sucre. Ces innovations visent à capter les nouvelles attentes sans perdre l’ancrage artisanal.
Mais les contraintes restent fortes. En 2025, la fin de la tolérance sur l’emploi de salariés le 1er mai complexifie la gestion des équipes. Les amendes associées – de 750 à 1 500 euros par salarié – pénalisent les plus petits établissements, déjà fragilisés par les charges et la pénurie de main-d’œuvre.
Le snacking ne remplacera pas la boulangerie traditionnelle dans l’immédiat mais la concurrence va devenir de plus en plus intensive. Les modèles s’affrontent selon des logiques différentes : rapidité contre qualité, industrialisation contre savoir-faire, centralisation contre proximité. Les grandes enseignes captent les flux du midi, misent sur les volumes et les marges ; les artisans s’appuient sur la fidélité locale et l’authenticité.
La pause-déjeuner est devenue un champ de bataille. Dark kitchens, corners intégrés dans la grande distribution, néo-boulangers : tous convergent vers le même objectif, capter une consommation rapide, urbaine, et régulière. Les artisans n’ont d’autre choix que de s’adapter, sans se renier.