PSG : la nouvelle obsession de Nasser Al-Khelaïfi

Le PSG acte son départ de Paris pour bâtir un stade en banlieue. À l’origine de ce projet pharaonique : Nasser Al-Khelaïfi, dont l’obsession devient problématique.

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Pendant des années, Nasser al-Khelaïfi n’avait qu’une obession : faire du Paris Saint-Germain le club le plus clinquant du monde. Pour cela, rien n’était trop beau : empilement de mega stars (Zlatan Ibahimovic, Gianluigi Buffon, Neymar, Sergio Ramos, Lionel Messi, Kylian MBappé, etc). Le résultat fut plus que décevant au regard des sommes faramineuses engagées.

Depuis, l’arrivée du manager espagnol Luis Enrique, le club a retrouvé une certaine « normalité » et les stars ont laissé la place à un collectif de très haut niveau qui a réussi en quelques mois à grimper sur le toit de l’Europe.

Mais le président qatari a trouvé une nouvelle obsession : offrir au PSG le plus beau stade du monde, peu importe l’adresse, même au fin fond de la banlieue parisienne.

« J’aime beaucoup le Parc des Princes, tout le monde l’aime. Mais aujourd’hui, en Europe, les clubs ont des stades de 80 000, 90 000, 100 000 places… On en a besoin, sinon on est morts », déclarait Al-Khelaïfi lors de l’inauguration du Campus PSG à Poissy, en novembre 2024.

Après des années de bras de fer infructueux avec la maire de Paris pour un rachat du stade, le PSG acte son départ du Parc. En juin 2025, deux sites sont officiellement envisagés : Massy (Essonne) et Poissy (Yvelines). En réalité, Massy est déjà validé en interne.

Le message est clair : ce stade XXL est vu comme vital pour l’avenir du club. Et le PSG n’est pas seul dans cette course aux géants. En mars 2025, Manchester United a dévoilé son projet de nouveau stade à 100 000 places, pour remplacer Old Trafford, avec un budget annoncé de 2 milliards de livres sterling. Un symbole de la surenchère architecturale qui gagne l’Europe.

Mais la réalité tempère cette frénésie. À ce jour, seul le Camp Nou dépasse les 90 000 places – et il est en rénovation pour atteindre 105 000. Le Signal Iduna Park de Dortmund (81 359) ou Old Trafford (74 879) restent bien en dessous. Wembley, avec ses 90 000 sièges, n’accueille que les matchs de sélection nationale ou les finales, pas le quotidien d’un club.

Si le PSG parvient à bâtir une enceinte de 90 000 places, il deviendrait le deuxième club européen en capacité, juste derrière le futur Camp Nou. Mais à la différence du Barça, ancré dans son territoire depuis plus d’un siècle, Paris devra prouver qu’il peut remplir une telle arène chaque semaine, en Ligue 1, à 20 kilomètres de la capitale.

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Massy : le choix imposé par la présidence du PSG

Le site de Massy s’impose comme le choix privilégié de Qatar Sports Investments. La zone visée englobe la Tuilerie, vaste espace commercial détenu par Carrefour et Altarea, à proximité de grands axes et bien desservie par les transports. Le projet va bien au-delà d’un simple stade. Il prévoit la construction d’un pôle multifonctionnel : hôtel, restaurants, mégastore, stade pour l’équipe féminine, polyclinique. L’investissement total est estimé entre 1 et 1,2 milliard d’euros.

L’ambition ne se limite pas à la capacité ou au confort. Le président du PSG veut « le plus beau stade du monde », résolument tourné vers la technologie. Les premières maquettes dévoilent une enceinte modulable, avec une jauge variant entre 50 000 et 90 000 places selon les événements. Cette modularité, inédite en France à cette échelle, vise à atténuer les risques de surdimensionnement en adaptant la capacité aux différents types de rencontres.

Fort de l’expérience acquise au Parc avec le système Intel True View – 38 caméras 5K pour des replays immersifs –, le club prévoit d’amplifier ses dispositifs numériques dans le futur stade, en lien avec son programme d’innovation PSG Labs. Une source proche du dossier affirme qu’un « projet très détaillé a déjà été présenté à Doha », signe d’une validation au plus haut niveau. Pour Al-Khelaïfi, l’objectif est clair : bâtir un complexe générateur de revenus annexes et positionner le PSG au sommet des standards européens.

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Opposition croissante face à une stratégie solitaire

Face à l’ampleur du projet, la municipalité de Massy a annoncé, en septembre 2025, l’organisation d’un référendum après la fin des études de faisabilité, repoussant de facto toute décision à l’après-municipales de mars 2026.
Cette annonce intervient dans un climat de tension. En juin, près de 200 habitants s’étaient rassemblés devant la mairie pour exiger des réponses. Le groupe d’opposition « Nous Sommes Massy », conduit par Hella Kribi-Romdhane, accuse la majorité municipale de manœuvre politique et a lancé sa propre consultation citoyenne dès le 18 septembre. Parmi les critiques : 600 000 euros prélevés sur le budget municipal pour financer les études, une offre de loisirs jugée « démesurée », et un projet lancé sans véritable concertation.

Les risques d’un projet surdimensionné

Anne Hidalgo reste ferme : pas question de vendre le Parc des Princes. « Vendre non, mais agrandir oui ! », répète-t-elle à l’AFP. Son absence à la finale de la Ligue des Champions à Munich en juin 2025 illustre la rupture totale avec la direction du PSG. Pierre Rabadan, adjoint aux sports à la mairie de Paris, propose des montages juridiques permettant au club d’investir sans être propriétaire. En vain. Même Rachida Dati, candidate aux municipales de 2026 et proche du Qatar, n’a pas réussi à infléchir la position du président. Elle a pourtant multiplié les signaux, affirmant que « le PSG doit rester à Paris ».

Le principal défi : remplir 90 000 places pour les matches de Ligue 1

Malgré une situation financière plus que préoccupante, la Ligue 1 vit une période faste en termes de fréquentation. La saison 2024-2025 a établi un record historique avec 27 948 spectateurs de moyenne par match. Le PSG affiche un taux de remplissage de 99% dans son stade actuel de 47 929 places. Pour maintenir ce taux dans un stade de 90 000 places, le club devrait pratiquement doubler son affluence, passant de 47 500 à 89 100 spectateurs par match.

Cette équation semble d’autant plus complexe que sept clubs de Ligue 1 seulement dépassent les 90% de remplissage, et que Marseille, avec la plus grande affluence du championnat (63 553 spectateurs), ne remplit qu’à 95% son stade de 67 000 places.

Le principal reproche au projet de Massy porte sur son accessibilité. Pour les supporters sans voiture, les temps de trajet atteignent une heure depuis Paris. Les infrastructures cyclables sont inexistantes ou discontinues, et la congestion automobile aux abords inquiète. Poissy n’est pas mieux loti. L’expérience du Parc, accessible à vélo ou en métro depuis toute la capitale, contraste fortement.

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Au sein du Service Immobilier du PSG, les sceptiques ont dû mal à se faire entendre en interne : « Le Président ne veut rien entendre. Pourtant la question est revenue de nombreuses fois : qui va faire deux heures de transport pour un PSG – Metz un dimanche soir ?  On ne peut pas tout miser sur les grandes affiches de la Ligue des Champions ». Les loges VIP, les touristes étrangers, les abonnés historiques : tous les publics sont potentiellement désengagés. Cette question touche au cœur du défi français : contrairement aux grands stades allemands comme le Signal Iduna Park de Dortmund qui bénéficient d’une culture supporteur exceptionnelle, ou au Camp Nou ancré dans l’identité catalane, le projet PSG devra créer ex nihilo cet attachement à 20 kilomètres de Paris.

Si Al-Khelaïfi affiche une certitude inébranlable, plusieurs cadres du club émettent des doutes en privé. Certains ont « failli s’étrangler » lorsqu’il a annoncé un objectif de livraison sous 3 à 4 ans. Le précédent du Groupama Stadium de Lyon, construit en dix ans, invite en effet à la prudence. Les collaborateurs, contraints au silence, ne peuvent qu’exécuter les directives. Les méthodes autoritaires de la direction du club, déjà observée lors de conflits internes passés, semble s’être renforcée.

Les délais français en matière d’urbanisme sont longs. Après la désignation du site, il faut planifier, aménager, promouvoir puis construire. Chacune de ces étapes est sujette à recours, notamment sur les plans écologiques, sécuritaires ou sociaux. Al-Khelaïfi, pourtant, s’arc-boute sur un calendrier agressif. Il souhaite que les travaux soient « bien avancés d’ici 2029 ». Un horizon jugé peu réaliste par les spécialistes.

Fractures sociales et écologiques

Des collectifs locaux dénoncent une « aberration écologique ». Ils pointent la bétonisation, la circulation saturée, les émissions liées au transport de 90 000 spectateurs. Par ailleurs, la fermeture d’équipements publics (piscine, structures sportives de quartier) pour financer les études de faisabilité accentue le sentiment de fracture sociale. Les opposants dénoncent un projet « déconnecté des besoins réels des habitants », piloté depuis Doha, sans prise en compte du territoire. Bref, le PSG doit s’attendre à une multitude de recours de toutes sortes.

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Mais Al-Khelaïfi reste droit dans ses bottes. Pour lui, ce nouveau stade est une condition existentielle pour l’avenir du club. Ce refus de compromis isole progressivement le dirigeant, au sein même de son club comme vis-à-vis des partenaires institutionnels. Les prochaines étapes seront capitales. Le calendrier prévoit dans les prochaines semaines plusieurs événements participatifs à Massy : visites de sites, rencontres avec les urbanistes, consultations.

Le défi majeur : éviter l’éléphant blanc

Les exemples français récents plaident pour la prudence. Le « syndrome de l’éléphant blanc » touche déjà plusieurs stades construits ces dernières années, créant plus de sièges vides que de spectateurs. La modularité annoncée entre 50 000 et 90 000 places pourrait atténuer ce risque, mais reste à prouver dans la pratique française.

Le PSG joue ici bien plus qu’un enjeu immobilier. Il joue sa relation à Paris, à ses supporters, et à l’ensemble de son écosystème. L’histoire du club, son ancrage dans la capitale, et sa capacité à dialoguer avec les territoires seront mis à l’épreuve. Face à l’obsession, la question reste entière : jusqu’où ira-t-elle, et à quel prix ?



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