Résumé Résumé
- Une croissance à contre-courant du marché
- Le choix du bois massif comme ligne directrice
- Une production encadrée et décentralisée
- Une logistique centralisée et performante
- L’ouverture au retail physique comme levier de notoriété
- Un modèle circulaire en phase d’industrialisation
- Une ambition régénérative à long terme
- Une reconnaissance croissante dans l’écosystème économique
Alors que le marché français du meuble a reculé de 5,1 % en 2024, une PME lilloise poursuit sa croissance à contre-courant. En misant sur le bois massif, la durabilité, le circuit court et l’économie circulaire, Tikamoon s’impose comme une alternative crédible aux géants du secteur. Loin des volumes standardisés et des meubles à montage express, l’entreprise ambitionne de devenir la marque référente du mobilier durable en Europe.
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Une croissance à contre-courant du marché
Fondée en 2008, Tikamoon conçoit, fabrique et commercialise des meubles en bois massif. En 2023, son chiffre d’affaires a atteint 110 millions d’euros, en hausse continue depuis 2021. La moitié des ventes est réalisée à l’international, notamment dans neuf pays européens. L’entreprise vise un triplement de son activité d’ici 2027, avec un objectif affiché de 300 millions d’euros.
Cette trajectoire s’inscrit dans un contexte de transformation profonde du secteur. Si le critère du prix reste central pour les consommateurs, l’impact environnemental, la durabilité et les labels de certification progressent rapidement dans les priorités d’achat. Tikamoon s’est positionnée dès ses débuts sur ces attentes émergentes. « Notre singularité, c’est de créer des meubles qui durent 100 ans. Et ceci à partir d’une matière saine, primaire, soit le bois naturel », affirme Arnaud Vanpoperinghe, cofondateur et dirigeant.
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Le choix du bois massif comme ligne directrice
Contrairement aux géants du meuble qui misent sur des matériaux composites et une production de masse, Tikamoon s’appuie exclusivement sur du bois massif. Ce choix structurel oriente l’ensemble de sa stratégie industrielle. Il permet d’assurer une plus grande longévité des produits, mais implique aussi un positionnement haut de gamme et une logique de production maîtrisée.
L’entreprise privilégie des essences locales ou issues de filières certifiées. Le teck provient d’Indonésie, le manguier d’Inde, l’acacia d’Asie, tandis que l’olivier est sourcé en France. Chaque meuble est conçu pour être réparable, transformable, et pouvoir changer de main sans perte de qualité. L’objectif n’est pas de vendre plus, mais de prolonger l’usage. « Ne pas vendre quatre buffets à un client, mais plutôt vendre des buffets qui connaîtront quatre clients », résume Arnaud Vanpoperinghe.
Une production encadrée et décentralisée
Tikamoon a mis en place un réseau de 80 ateliers partenaires, répartis sur trois continents. Ce réseau est structuré pour répondre à une logique de proximité entre la forêt, le lieu de transformation et le site d’exportation. Cette configuration permet de réduire l’empreinte carbone liée au transport des matières premières.
Là où de nombreux acteurs s’en remettent à des agents ou sous-traitants distants, Tikamoon maintient une présence humaine dans chacun de ses bassins de production. L’entreprise emploie 220 collaborateurs dans le monde, dont 30 en Indonésie et 10 en Inde. En Ukraine, deux salariés assurent le suivi de production malgré le contexte de guerre. « Nous ne pouvons pas nous contenter de passer commande à un agent puis de fermer les yeux », insiste le dirigeant. Des contrôles hebdomadaires sont effectués sur les conditions de travail et la qualité de fabrication. L’entreprise a obtenu la certification ICS, ainsi que la certification FSC® pour 55 % de son catalogue, avec un objectif de 100 % d’ici 2025.
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Une logistique centralisée et performante
Le cœur logistique de Tikamoon est situé près de Lille, dans un entrepôt de 30 000 m². Tous les meubles y arrivent déjà montés, emballés et prêts à être expédiés. Le système fonctionne en flux tendu, avec un réassort mensuel sur toutes les références. Ce mode d’organisation permet d’éviter le surstockage et de réduire les coûts logistiques.
L’entreprise a engagé un processus de décarbonation de ses livraisons. Elle a adhéré à la charte Fret21, utilise exclusivement des camions aux normes Euro6 et optimise ses circuits de distribution pour limiter les distances parcourues. Cette chaîne logistique intégrée renforce la cohérence du modèle économique, en alignant production artisanale et performance industrielle.
L’ouverture au retail physique comme levier de notoriété
Pendant ses quinze premières années d’existence, Tikamoon s’est développée exclusivement en ligne. En 2023, elle a amorcé un virage stratégique avec l’ouverture de deux premières boutiques physiques, à Paris et à Lille. L’objectif est de créer une synergie entre l’expérience digitale et l’expérience en magasin, tout en renforçant la notoriété de la marque.
Les premiers résultats sont encourageants : le panier moyen dépasse les 500 euros et le trafic en magasin progresse régulièrement. L’entreprise a ouvert un corner au Printemps Haussmann et prévoit d’en implanter d’autres à Marseille, Lyon et Toulon. D’ici 2027, Tikamoon envisage de disposer de 10 à 15 boutiques dans les principales agglomérations européennes.
Un modèle circulaire en phase d’industrialisation
La dimension circulaire est l’un des marqueurs forts de Tikamoon. Depuis 2024, l’entreprise exploite une boutique circulaire de 500 m² à proximité de Lille. Ce lieu réunit un atelier de revalorisation et un espace de vente dédié aux meubles restaurés. Chaque semaine, deux semi-remorques de meubles y sont livrées. Ils sont triés, réparés ou démontés pour être réutilisés selon un système de « banque d’organes ». L’objectif est clair : atteindre 0 % de déchet bois.
Chaque mois, entre 1 000 et 1 500 meubles revalorisés sont remis en vente avec des réductions de 40 à 70 % par rapport au prix du neuf. Une semi-remorque est également donnée à Emmaüs. Les produits non réparables sont orientés vers des associations caritatives ou des centres de formation en menuiserie. Cette activité représente déjà 2 à 3 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, soit près de 3 millions d’euros.
Tikamoon prépare actuellement l’ouverture d’un second site circulaire à Hénin-Beaumont et projette de déployer un réseau régional de hubs pour organiser un flux de reprise à l’échelle nationale.
Une ambition régénérative à long terme
L’entreprise ne se contente plus d’objectifs durables. Elle s’est engagée dans une stratégie RSE baptisée « Regenerate », avec la volonté de devenir une entreprise régénérative à l’horizon 2030. Il s’agit de transformer le modèle économique en une plateforme capable de créer de la valeur d’usage, au-delà de la simple vente de produits.
Tikamoon a rejoint le mouvement « 1 % for the Planet » et reverse 1 % de son chiffre d’affaires FSC à des associations environnementales. Elle collabore avec le WWF dans le cadre du projet « Nature Impact », axé sur la préservation des forêts existantes. Ce changement de cap s’accompagne d’une mobilisation interne. L’entreprise organise régulièrement des ateliers participatifs (« TikaGreen Tea ») pour associer ses collaborateurs à la définition du futur modèle.
Une reconnaissance croissante dans l’écosystème économique
Tikamoon figure parmi les 500 champions de la croissance identifiés par Les Échos en 2024, à la 104e place. Elle a été élue meilleur site e-commerce dans la catégorie « Ameublement » par Capital Magazine, et Arnaud Vanpoperinghe a reçu le Prix Argent de la personnalité e-commerce de l’année. L’entreprise bénéficie du label Coq Vert de Bpifrance et a obtenu la certification OEA (Opérateur Économique Agréé) en 2023.
Autant de signes qui confirment que Tikamoon ne se positionne pas en marge du secteur, mais comme une alternative cohérente et en expansion. Face aux géants mondiaux du meuble, son modèle intégré, durable et régénératif s’impose comme une voie crédible. Et peut-être, demain, comme une référence.